Optimiser la rémunération : les clés de la réussite avec Sandrine Dorbes
Aujourd’hui, avec Sandrine Dorbes, nous allons parler d’argent et secouer toutes les idées reçues qui tournent autour.
Aujourd’hui, avec Sandrine Dorbes, nous allons parler d’argent et secouer toutes les idées reçues qui tournent autour.
J’accueille une invitée spéciale au micro de notre podcast Stop à la charge mentale : Sandrine Dorbes, experte en rémunération et fondatrice du cabinet conseil How Much.
Il y a trois ans et demi, elle a créé son cabinet conseil parce que, dans combien, il y a d’abord comment. Elle accompagne les dirigeants qui souhaitent mettre en place une politique de rémunération pertinente et efficace.
En France, deux gros tabous se cachent derrière la question du salaire : l’argent et les émotions. Et devinez quoi ? Ces deux tabous s’unissent dans la rémunération.
Avec Sandrine, on va vous expliquer comment bien gérer la rémunération. On vous révèle comment une politique claire peut transformer le jeu entre salariés et managers.
Mais, tenez-vous bien, ce n’est pas tout, parce que la rémunération n’est pas
qu’une question d’argent. On explore les besoins de reconnaissance, de changement et d’évolution qui se cachent derrière une demande d’augmentation.
Et, bien sûr, comme à notre habitude, on partage des astuces pratiques pour aider les managers à décrypter les besoins cachés de leurs équipes.
Prêts à embarquer pour un épisode qui transcende les salaires ? Alors, appuyez sur play et préparez-vous à repenser la relation entre argent, bien-être et justice au travail !
– Ecoutez votre corps : les clés pour éviter l’épuisement professionnel
– OUI, vous avez le pouvoir de faire changer les choses
– Suffit-il d’avoir le choix pour ne plus être en surcharge mentale ?
« Stop à la charge mentale ! » est un podcast de Magaly Siméon, experte QVT, charge mentale et conciliation, produit par Lily facilite la vie.
💡 Comment soutenir efficacement les salariés face aux défis liés à la charge mentale ? Comment aborder de manière proactive, les questions de stress au travail au sein de votre organisation ? Comment maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, sans compromettre votre bien-être ? Ces questions cruciales trouvent leurs réponses dans chaque épisode de « Stop à la charge mentale ».
Rejoignez-nous chaque semaine pour révolutionner votre approche du stress au travail. Nous explorons les conséquences du stress sur les entreprises, équilibrons vie professionnelle et vie personnelle, et mettons en avant la Qualité de Vie et des Conditions de travail (QVCT).
Que vous soyez manager, dirigeant, professionnel RH ou salarié en quête de réponses, ce podcast est votre rendez-vous hebdomadaire pour des solutions pratiques et une inspiration revigorante.
Magaly Siméon : Aujourd’hui, on va parler d’argent. Alors, qu’est-ce que l’argent a à faire avec le bien-être au travail ? Qu’est-ce que l’argent a à faire avec le stress ? Eh bien, finalement, tout. C’est ce que va nous expliquer Sandrine, mon invitée d’aujourd’hui. La rémunération n’est pas qu’une question d’argent. Elle va nous expliquer pourquoi. Quand on parle d’argent, on parle aussi de justice. Et quand on demande une augmentation, peut-être que c’est autre chose qu’on demande et ce serait important de l’entendre pour être sûr de donner la bonne réponse. Je vous souhaite une très bonne écoute.
Bonjour Sandrine.
Sandrine Dorbes : Bonjour Magaly.
Magaly Siméon : Bienvenue dans notre podcast « Stop à la charge mentale ».
Sandrine Dorbes : Merci de m’avoir invitée. C’est avec plaisir.
Magaly Siméon : Est-ce que vous voulez bien vous présenter pour nos auditrices et nos auditeurs ?
Sandrine Dorbes : Avec joie. Je suis Sandrine Dorbes, experte en rémunération. Il y a trois ans et demi, j’ai créé ma société qui s’appelle How Much, parce que dans « combien » il y a d’abord « comment ». J’accompagne les dirigeants et les dirigeantes qui ont besoin de remettre à plat leur pratique de rémunération d’entreprise. À côté de ça, je suis aussi conférencière. J’ai écrit une conférence qui s’appelle « Et en plus, ils ne disent pas merci », où je parle de la complexité à aborder la rémunération en entreprise et comment on pourrait être plus serein sur ce sujet. Je suis aussi prof à la School of Life.
Magaly Siméon : D’accord. Alors, quand on parle d’argent, on n’est pas un pays qui parle d’argent très facilement. Quel rôle joue la rémunération dans la crise du sens au travail ? Est-ce qu’elle en fait partie ou est-ce que ça n’a rien à voir ?
Sandrine Dorbes : Je pense que ce n’est pas la cause principale, mais ça fait partie des satellites, des irritants, des choses qui, parce qu’elles ne sont pas claires, participent à un mal-être plus global. Vous l’avez dit, en France, on n’est pas particulièrement à l’aise pour parler d’argent. Et il y a un autre sujet avec lequel on n’est pas particulièrement à l’aise, c’est de parler de ses émotions, de dire ce qu’on ressent. On ne nous apprend pas ça à l’école. On ne nous apprend pas à identifier ce qui se passe en nous et à dire « là, je me sens en colère », « là, je me sens frustré » et à le verbaliser. Le problème avec la rémunération, c’est que c’est deux tabous en un : c’est l’argent et c’est les émotions.
Magaly Siméon : C’est vrai. Quand je pense à mes négociations salariales dans ma carrière, j’ai pu être globalement en colère ou contente. C’est la joie ou la colère, effectivement, à la sortie du bureau après la négociation, c’est une émotion qui s’installe. Vous avez raison. Mais alors, ça veut dire que si je gère bien la rémunération, je contribue à des émotions positives pour mes salariés ?
Sandrine Dorbes : Moi, j’aurais tendance à demander : c’est quoi bien gérer sa rémunération ? Mais oui, en tout cas, pour moi, bien gérer la rémunération, c’est d’avoir une politique de rémunération qui soit très claire. Une politique, c’est ni plus ni moins qu’un ensemble de règles qu’on applique à tout le monde. Donc, c’est un ensemble cohérent de règles. J’insiste, ce n’est pas un millefeuille de pratiques. C’est un ensemble cohérent de règles qu’on a défini en fonction de la stratégie de l’entreprise, de là où on est censé aller collectivement et de la culture de l’entreprise. Cet ensemble de règles, il faut à la fois le définir pour qu’il soit cohérent et ensuite le communiquer aux gens. Il y a un sujet qui revient beaucoup dans l’actualité en ce moment, et j’en suis absolument ravi : c’est la transparence. Quand j’évoque la transparence avec des dirigeants ou des dirigeantes, il y a un peu de crainte. Ils disent « mais moi, je ne veux pas être dans un environnement complètement transparent. Je ne veux pas qu’on publie les salaires ». La transparence, ce n’est pas ça. La transparence, c’est répondre à deux questions fondamentales dans la vie de tous les jours, pas que quand on parle de rémunération : « Comment j’en suis là où je suis aujourd’hui ? » Les gens ont besoin de comprendre leur situation. En matière de rémunération, c’est « pourquoi j’ai ce salaire et pas deux euros de plus ou deux euros de moins ? Pourquoi mon collègue a un autre salaire ? » Et la deuxième question que les gens ont besoin de poser, c’est « comment mon salaire va évoluer ? ». Ils ont besoin de se projeter. Si on arrive à établir un ensemble de règles cohérentes qui répondent à ces deux questions, « pourquoi est-ce que j’ai ce salaire là et comment est-ce qu’il va évoluer ? », on est déjà bon sur la transparence et on est déjà bon aussi dans une forme de sérénité. Les gens savent à quoi s’en tenir et ils sont moins sensibles aux rumeurs, aux légendes et aux discussions qu’on peut avoir autour de la machine à café à ce sujet.
Magaly Siméon : Alors je vois deux questions. On va revenir sur les rumeurs et les légendes. Ma première question, quand vous parlez de règles, par exemple, ça veut dire d’avoir des grilles salariales claires en fonction des missions du poste, des compétences. Est-ce une des façons d’avoir cette transparence ?
Sandrine Dorbes : Alors, la grille de salaire, c’est un outil qui est utile, mais c’est ni plus ni moins qu’un outil. Un outil qui synthétise la politique de rémunération. Il y a des entreprises qui arrivent à être tout à fait claires sans avoir de grille, d’autres qui ont besoin d’avoir une grille, avec soit des fourchettes, soit des montants fixes. Ce qui est important quand on travaille une grille, c’est de déterminer comment on veut rémunérer les gens et qu’est-ce qui est important pour nous. Est-ce que c’est le métier, est-ce que c’est la compétence, est-ce que c’est la séniorité, est-ce que c’est l’ancienneté, et comment est-ce que ça évolue dans le temps. Et là, le travail avant la grille, c’est un travail de cartographie des compétences, un travail sur ce qu’on appelle le chemin de carrière. C’est tout ce travail qui nourrit la réflexion sur la politique de rémunération et qui permet in fine, d’établir une grille. Mais une grille n’est qu’un outil. Si ce n’est pas un outil avec lequel on est à l’aise ou qui n’est pas utile tous les jours, je ne vais l’imposer à personne. Mais c’est un outil d’aide à la décision. Ça répond rapidement à la question : demain, je recrute telle personne à tel niveau, à tel poste, bim, je mets le doigt sur la case et j’ai le chiffre.
Magaly Siméon : Alors, j’ai dans ma carrière eu les deux positions : celle de salariée et aujourd’hui, celle de chef d’entreprise. Donc, je vais poser deux questions de ces deux points de vue. En tant que salariée, ma croyance, c’est : « Vas-y, négocie pour toi, c’est comme ça que tu obtiendras le plus. » Est-ce une croyance erronée ou ça fonctionne pour ceux qui savent demander, et les autres ont moins ?
Sandrine Dorbes : Ça dépend beaucoup de qui on a en face. Beaucoup de gens me disent qu’en matière de rémunération, il n’y a que ceux qui réclament qui obtiennent. Et je suis désolée d’admettre que c’est la vérité. Quand on n’a pas de politique de rémunération très claire, qu’on n’a pas une politique de rémunération qu’on incarne, eh bien oui, là, on laisse de la place à beaucoup de cas particuliers, beaucoup de place à la négociation individuelle. Et oui, actuellement, quand tout n’est pas parfaitement cadré et contrôlé, ceux qui réclament le plus obtiennent le plus. Parfois, je comprends des managers, ils achètent la paix sociale, en fait. C’est-à-dire que quand quelqu’un vient vous voir toutes les trois semaines pour vous expliquer à quel point il ou elle est génial(e) et mérite plus, quand on vous donne un petit budget, il y a une petite tentation de donner ce que cette personne demande, ne serait-ce que pour avoir la paix quelques semaines. Et puis après tout, cette personne a donné plein d’arguments qui justifient d’être augmenté. Donc, c’est un peu un compromis qui n’est pas satisfaisant intellectuellement, mais je comprends que parfois on puisse se laisser aller dans ce type de faiblesse.
Magaly Siméon : Alors, en tant que chef d’entreprise, j’ai aujourd’hui une entreprise de vingt salariés. Donc, je vois bien que la question se pose. Avec mes associés, on est plutôt dans une logique de transparence. Et en même temps, je n’arrive pas à m’empêcher de penser que ça me coince un peu et que la logique de transparence fait que justement, je ne vais pas pouvoir, le cas échéant, satisfaire une demande un peu à côté sur quelqu’un que je vais vouloir garder. Mais si je réponds à sa demande, j’ai un peu l’impression que ça va me coincer.
Sandrine Dorbes : Oui, je comprends. J’en reviens au sujet de l’outil. Voyez, quand je dis la grille de salaire, c’est un outil, en fait. Un outil doit s’adapter à la vie de l’entreprise et aux situations. Si demain, vous avez une personne, la plus brillante personne d’une équipe, qui vient vous voir en disant « Moi, je veux partir », et que son départ met en péril l’entreprise, pour moi, ça justifie complètement une adaptation des politiques. Après tout, si cette personne dans une équipe met en péril l’entreprise parce qu’elle s’en va, elle n’est peut-être pas à la bonne place dans l’organigramme. J’entends qu’il y a peut-être un ajustement à faire. Et ça en toute transparence. La transparence, ce n’est pas faire plaisir à tout le monde, c’est de dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. Et donc, oui, parfois il y a des choses que les dirigeants vont décider et qui ne font pas l’unanimité. On ne demande pas aux gens d’adhérer aux décisions des dirigeants. On leur dit ce qu’on fait.
Magaly Siméon : Dans l’exemple que vous donnez, finalement, vous dites que si vous jugez que cette personne est vraiment brillante et qu’elle mérite, peut-être qu’elle n’est pas au bon poste. Ce qui nous emmène à l’ouverture de ce que vous faites dans votre métier, c’est-à-dire que la rémunération n’est pas le seul sujet et que la politique de rémunération est quelque chose de plus global que combien je touche à la fin du mois.
Sandrine Dorbes : Moi, j’aime à dire que la rémunération, ce n’est pas qu’une question d’argent. Je suis absolument convaincue que quelqu’un qui vient demander une augmentation ou une prime vient demander autre chose. Elle vient demander des sous, je ne conteste pas, mais il y a autre chose, une demande cachée. Ce qui est compliqué, c’est que souvent la personne qui demande n’est même pas consciente de cette demande cachée. Derrière cette demande cachée, il peut y avoir un besoin de reconnaissance, un besoin d’évoluer, un besoin de changer. Quelqu’un qui vous dit « Moi, si je n’ai pas ça, je m’en vais voir ailleurs », peut-être qu’elle a besoin de nouveautés. Un exemple que j’aime beaucoup, c’était une personne qui demandait une augmentation et qui n’avait aucun bon argument pour l’obtenir, ni une augmentation ni une prime. Et plus on discutait, plus je me rendais compte qu’en vrai cette personne était malheureuse. Elle était malheureuse dans son travail. Et donc, bien faire son travail, ça lui demandait un effort supplémentaire. Cette personne n’en était pas consciente, évidemment, mais pour elle, c’était évident que faire son travail demandait un effort. Eh bien, il fallait bien qu’elle soit payée pour cet effort, et qui d’autre que son employeur ? Et comme d’habitude, cette personne a eu son augmentation. Et comme d’habitude, très rapidement, elle a refait la tête, parce qu’on n’avait pas résolu le problème de départ. Le problème de départ, c’était que cette personne ne trouvait plus d’intérêt dans son travail. Une personne brillante qui vient vous voir en disant « Moi, je veux une augmentation ou je m’en vais », en réalité, elle a besoin d’autre chose. Elle a peut-être besoin d’évoluer.
Magaly Siméon : Peut-être qu’elle a fait le tour du poste. Peut-être qu’elle ne se sent pas reconnue à sa juste valeur. Peut-être qu’elle vit une situation qu’elle perçoit comme injuste et qu’elle ressent le besoin de demander de l’argent pour rétablir un équilibre dans son monde.
Sandrine Dorbes : Et là aussi, je ne dis pas qu’il faut être d’accord avec la personne qui s’exprime, mais il faut l’écouter. Il faut voir ce que l’on peut faire, un pas pour continuer à avancer ensemble ou pas.
Magaly Siméon : Alors si je tire le fil de ce que vous me dites, Sandrine, les managers devraient être formés aux entretiens. C’est-à-dire finalement, être formés à mener un entretien. Quelqu’un vient demander une augmentation pour que le manager sorte de l’entretien en étant sûr d’avoir identifié le vrai sujet et la réponse qu’il souhaite y apporter.
Sandrine Dorbes : Oui, moi, je pense qu’il faut plus former les managers à énormément de points de vue, ce que je constate malheureusement dans beaucoup d’entreprises, quel que soit l’environnement – PME, tech, services, industrie – je n’ai pas vu de grandes différences par secteur. Les managers ne sont pas assez formés. Parfois, le manager, c’est un peu le super expert d’une équipe qui, en étant techniquement très bon, a gagné la place au-dessus. Et parfois, il n’aime pas du tout cette position de responsable. Il retournerait bien à ses tâches techniques.
Et là, typiquement, ce sont des managers que l’on voit, actuellement managers, mais qui font encore énormément de technique et pas beaucoup de management. Et puis il y a ceux qui voulaient être managers, qui sont devenus managers et qui appliquent un peu les bonnes pratiques qu’ils ont vues par-ci par-là, et qui appliquent aussi comment ils auraient voulu être managés. Mais ils ne sont pas tant formés que ça au management, et ne serait-ce que sur les sujets RH pour élargir un tout petit peu par rapport à la rémunération.
Moi, je vois que souvent les managers sont démunis face à une demande des collaborateurs. Et quand on est démuni, on essaie de passer la patate chaude ou de faire porter la responsabilité à quelqu’un d’autre et qui, parfois, avec un peu de mauvaise foi, dit « mais ce n’est pas moi, c’est la RH ». Or, non. Ce n’est pas que la RH, ça peut aussi être un peu eux. Mais ce que je retiens, ce n’est pas tant la lâcheté, c’est le fait qu’ils ont l’impression qu’ils n’ont pas les outils. Ils n’ont pas les arguments. Ils n’ont pas la compréhension des mécanismes pour tenir une position ferme devant les salariés.
Et moi, je pense que tous les managers devraient être formés à la politique de rémunération. Mais dans les détails : voici les règles, pourquoi est-ce qu’on a pris ces règles-là et comment est-ce qu’on doit les porter aux salariés ? Parce que les salariés, la première personne qu’ils vont voir, c’est leur manager pour poser leurs questions. Donc, la première porte, c’est le manager. Le manager qui est aussi un salarié, donc il se pose les mêmes questions.
Magaly Siméon : Donc c’est une position ambivalente. Et oui, on mériterait à tout point de vue sur tous les sujets de mieux former les managers. Et là aussi, si j’élargis encore plus, si je sors de la RH, il y a beaucoup de managers qui ne comprennent pas forcément la stratégie de l’entreprise.
Sandrine Dorbes : Bien sûr. Et récemment, un dirigeant me disait qu’il venait de réaliser un peu tristement que les gens sur le terrain ne comprennent pas la stratégie de l’entreprise. Ben oui. Mais si on sort du codir et du top management, les managers de proximité ne comprennent pas. Donc, évidemment, les salariés sur le terrain ne vont pas comprendre.
Magaly Siméon : Alors j’irais même plus loin pour l’avoir vécu. C’est une anecdote que je cite souvent : à une époque où je portais une grosse transformation avec un gros projet, j’ai organisé une grande journée de séminaire pour expliquer la stratégie. Et le lendemain, j’ai croisé une dame charmante que je vais appeler Germaine. Elle avait 35 ans d’ancienneté. Et je lui ai demandé : « Hier, vous avez trouvé ça comment ? ». Elle m’a répondu : « Les petits fours étaient super bons, le lieu était sympa, il faisait beau ». Je lui ai dit : « Ok, maintenant, ce qui serait bien, c’est qu’on ait une stratégie ».
Sandrine Dorbes : Et alors moi, je trouve que Germaine, c’est aussi quelqu’un qui entend et qui se dit ok, donc ce jour-là, je suis remonté dans mon bureau en me disant « bon, j’ai dû louper un truc ». Et en fait, ce que j’avais loupé, et que j’ai refait derrière, c’est de ne pas définir une stratégie descendante, mais d’être dans la co-construction avec du montant et du descendant, ce qui fait que Germaine a pu contribuer aussi à sa vision, à ses propositions et considérer qu’avec 35 ans d’ancienneté, elle avait des choses à dire. Donc oui, je vous rejoins complètement, on ne peut pas imaginer que la stratégie soit comprise si on n’y a pas contribué. Je pense que l’appropriation va venir de la contribution aussi.
Je donnerai un autre exemple que votre anecdote : une grande société du CAC 40, comme toutes les sociétés du CAC 40, fait tous les trimestres une petite vidéo à destination de ses salariés pour parler des résultats du trimestre, où en est-on dans l’attente des résultats annuels. Et c’est une entreprise qui a des gros enjeux, comme beaucoup de boîtes du CAC 40, d’image et de marché, notamment, qui du coup fait très attention au message qu’elle distille en interne comme en externe. Et à ce moment-là, la boîte n’allait pas bien, les résultats n’étaient pas bons. Mais en fait, quand on regardait les vidéos, on voyait que oui, on pourrait faire mieux, mais on ne comprenait pas à quel point la situation était compliquée. Alors on pourrait s’en moquer, se dire que ce n’est pas grave, c’est de la com’. Sauf que quelques mois après, quand les budgets d’augmentation générale et les budgets d’augmentation individuelle sont proches de zéro, parce que la boîte ne peut pas se le permettre, les gens ne comprennent pas. Et là, il y a une vraie dissonance cognitive : « Mais comment ça, il n’y a pas de moyens ? Comment ça, pas de budget ? »
Magaly Siméon : Oui. Et le dirigeant de répondre : « Quand même, on leur a dit ». Mais ce n’était pas clair, en fait. Moi, je suis externe, je vois ça avec un peu de légèreté, et je n’ai pas trouvé ça très clair. Et je les cite, je ne cite pas de noms, j’ai vu ça dans tellement de boîtes où d’un côté, on ne veut pas porter les vrais messages. Et après, on s’étonne que les gens ne comprennent pas. Parfois, il faut être très clair et assumer cette clarté.
Parfaitement raison.
Sandrine Dorbes : Bien sûr, en fait, c’est si la boîte va bien, pourquoi elle ne partagerait pas les fruits du travail.
Magaly Siméon : Vous avez raison. Alors si on se projette un peu, est-ce que dans cette période de changement des attentes des salariés, puisque finalement, on est plutôt sur un moteur aujourd’hui de changement qui vient des salariés, est-ce que vous constatez des tendances qui changent en matière de rémunération par rapport à ces changements d’attentes ?
Aujourd’hui, on nous parle beaucoup de recherche de sens. On nous parle beaucoup de valeur, tout ça, ça n’a rien à voir avec l’argent.
Sandrine Dorbes : En vrai, ça a tout à voir avec l’argent. Quand on parle d’argent, on parle d’un psychologue américain dont j’ai oublié le nom, c’est un peu honteux, mais si quelqu’un le veut, je pourrais lui retrouver. Il faut comprendre notre langage de l’argent et que finalement, chacun d’entre nous a un langage de l’argent qui est différent. La complexité, c’est qu’il faut qu’on vive ensemble. Mais voyez, je pense vraiment que les sujets de sens ont tout à voir avec l’argent. Parce que quand on parle à nos parents, par exemple, il aurait suffi qu’ils soient très bien payés pour qu’ils soient satisfaits d’être au travail. La génération qui arrive sur le marché du travail maintenant et les plus jeunes qui y sont déjà disent non, en fait, même super bien payé, ce boulot-là ne me convient pas. Absolument.
Et donc on a un vrai choc générationnel parce qu’il y a peut-être des chefs d’entreprises qui viennent d’une autre génération. Ils ne comprennent pas le problème : « Je paie quand même très, très bien ». Ben oui, mais ce n’est pas ce qu’ils veulent en fait, parce que la rémunération, ce n’est pas qu’une question d’argent. Quelle est ma place dans la société et où est-ce que je vais ? On en revient toujours à ces deux questions-là. Je cible beaucoup les jeunes parce que moi, je constate que c’est d’eux que vient le changement. Mais maintenant, ils vont un peu contaminer toutes les générations précédentes. Et il y a des gens beaucoup plus seniors qui se posent ces questions-là, en tout cas, qui s’autorisent à se les poser.
Les jeunes ne se posent pas la question de savoir s’ils peuvent le faire ou pas. Ils pensent comme ça. Ils avancent comme ça. Avec les générations plus seniors, on a des gens qui se disent : « Mais en fait, je ne me suis jamais posé la question comme ça, mais j’ai le droit de le faire ? ». Je suis parfaitement d’accord.
Et donc ça interroge au sens de « qu’est-ce que je fais là ? À quoi je contribue ? Je bosse pour qui ? Pourquoi ? ». Il y a toute cette histoire de justice. Parfois, quand certains demandent une augmentation de salaire, ils sont dans une comparaison. Quand ils viennent réclamer, c’est par principe de justice. Ils veulent avoir un peu plus.
Ce qui est passionnant, je trouve, c’est que la justice est vraiment un sujet passionnant. Parce qu’on pourrait se mettre à dix autour d’une table avec dix petits post-its. Chacun écrit sa définition de la justice. On la met en commun, on n’aura pas de définition identique sans que personne n’ait tort. Et donc quand, au sein d’une équipe, au sein d’une boîte, un dirigeant ou une dirigeante proclame que sa politique de rémunération est juste, si elle n’explique pas ce qu’est la justice pour elle, on est dans un prémisse d’un nombre de malentendus colossal.
Magaly Siméon : Oui, ce sera le mot de la fin. Et ma dernière question. Alors, quel conseil donnez-vous aux employeurs aujourd’hui pour avoir une politique de rémunération qui contribue finalement au sens, au vivre-ensemble, au collectif et à l’engagement des salariés ?
Sandrine Dorbes : Alors, je réponds pas une chose que je voulais vous dire tout à l’heure. Et puis on est parti dans d’autres sujets. Comme vous dites, on pourrait parler de ça longtemps. Comme vous avez dit que vous n’êtes pas à l’aise avec le sujet de la transparence, je pense que quand on n’est pas à l’aise avec la transparence, déjà, il faut faire le point sur où est-ce que l’entreprise va dans les un an, un an et demi. C’est quoi notre stratégie ? C’est quoi nos objectifs ? De quoi avons-nous besoin collectivement pour y arriver ? Et c’est là où on se pose la question des compétences, de la séniorité, des expertises, où on fait un peu le point de ce dont on a besoin.
Ensuite, moi, je pose la question : mais comment est-ce qu’on acquiert ce dont on a besoin pour servir notre objectif ? Et là, on repense nos outils de rémunération et on fait attention à utiliser le bon outil pour le bon usage. Exemple, on arrête de donner des primes à tout le monde, quelle que soit la raison. Il faut bien cibler les primes et les utiliser à bon escient dans les bons contextes. Idem pour les avantages sociaux. Et ensuite, vraiment se tourner vers le terrain. Il y a des gens qui partent avec des chantiers de transparence sans jamais interroger les salariés avant très longtemps. Et pour l’avoir fait une fois, c’est une erreur. Il ne faut pas faire ça.
Magaly Siméon : Oui, je comprends. C’est comme Germaine, pareil.
Sandrine Dorbes : Il y a longtemps, quand j’étais encore salarié, on était parti sur une vulgarisation de la politique de rémunération. Et quand on a donné aux gens, on a fait un énorme flop, parce qu’en fait, on ne répondait pas aux questions que les gens se posaient. Et du coup, il a fallu qu’on remette les agents de terrain autour d’une table pour aller interroger les managers de terrain et les salariés pour se dire : « En fait, c’est quoi vos questions ? ». Et ensuite, on a travaillé là-dessus et là, en fait, juste répondre aux questions, on a fait 90 % du boulot.
Magaly Siméon : Eh bien merci, ce sera le mot de la fin. En fait, répondons aux questions.
Merci beaucoup, Sandrine.
Sandrine Dorbes : Merci à vous pour l’invitation.
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