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Introduction
Magaly Siméon : Et si finalement l’exemple d’une fonction RH centrée sur l’humain nous venait des collectivités locales ? Je reçois aujourd’hui Olivier Petit, qui est un DRH plein de convictions, de sens pratique et je dirais même de bon sens. Le bon sens pour penser la QVT de façon concrète et opérationnelle, c’est essentiel. Et se souvenir de l’importance du rôle du manager et se demander comment on peut l’aider concrètement au quotidien, c’est fondamental. C’est ce que vous allez découvrir dans cet épisode. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Olivier.
Olivier Petit : Bonjour Magaly.
Portrait de Olivier Petit
Magali Siméon : Olivier, est-ce que vous voulez bien vous présenter pour nos auditrices et nos auditeurs ?
Olivier Petit : Bien sûr. Je suis Olivier Petit, DRH depuis assez récemment, depuis le 1ᵉʳ octobre dernier pour la ville, la communauté urbaine et le CCS de Reims. J’occupais précédemment la même fonction, mais en tant que DRH adjoint. J’ai cette spécificité dans les DRH des collectivités territoriales d’avoir une formation initiale de DRH. Beaucoup y viennent dans leur parcours de fonctionnaire, mais moi, je fais de la RH depuis bientôt 17 ans dans les collectivités, vraiment par vocation et par formation initiale
Magaly Siméon : Donc vous êtes DRH par vocation et vous exercez en tant que DRH dans les collectivités locales par vocation.
Olivier Petit : Alors non, j’ai découvert les collectivités territoriales par hasard. Quand je suis sorti de mon DESS, à l’époque appelé DESS de gestion des ressources humaines, c’était plutôt avec l’intention de travailler dans les entreprises privées. Je visais des postes à responsabilité généraliste car tout m’intéressait dans la RH et la philosophie RH globale, qui consiste à s’occuper de l’humain plutôt que d’un secteur spécifique. J’ai donc postulé dans une mairie qui comptait 200 agents à l’époque, une toute petite mairie. J’avais une équipe de trois personnes et j’ai découvert le monde des collectivités territoriales, que j’ignorais, voire même sur lesquelles j’avais quelques préjugés, comme beaucoup. J’ai découvert une organisation qui n’était fondamentalement pas complètement différente de ce qu’on peut trouver par ailleurs. Parce que finalement, c’est un groupement d’hommes et de femmes qui travaillent pour le bien public. J’ai coutume de dire que quand Maslow a décrit ses besoins, il n’a pas décrit des besoins qui s’exprimaient dans le privé, d’autres dans le public. Ce sont des besoins humains. Donc voilà, j’ai trouvé de vrais défis à relever et, vous voyez, j’y suis rentré en février 2007 dans la territoriale et je n’en suis jamais reparti. Pas par vocation, mais par adhésion et presque par passion.
La vision de la QVCT : la stratégie RH de Olivier Petit
Magaly Siméon : Moi, j’ai eu la chance de vous découvrir. J’ai assisté à l’une de vos interventions. J’aimerais que vous nous expliquiez ce qu’est pour vous la QVT, parce que j’ai trouvé que vous aviez une vision, une vision holistique, pour ainsi dire, qui est un terme en vogue du XXIe siècle, mais j’ai trouvé que c’était assez remarquable. Et comment déclinez-vous une politique dans votre collectivité ?
Olivier Petit : Alors, la qualité de vie au travail, et maintenant on dit d’ailleurs la QVCT, cette qualité de vie et les conditions de travail, c’est assez fondamental. Et finalement, il faut dépasser ce qui a été une mode à un moment donné. C’est pour cela aussi qu’on a ajouté le C des conditions de travail, qui consistait finalement à ne se concentrer que sur les loisirs. Nous avons tous en tête l’exemple du baby-foot, qui, à mon avis, devrait désormais être mis de côté. C’est toujours bien, mais cela ne peut pas être la seule considération. C’est-à-dire que l’importance des conditions de travail va bien au-delà de l’aspect informel. Même si quelqu’un dispose d’un baby-foot, si sa fiche de poste n’est pas claire, si les objectifs ne sont pas définis, s’il ne s’y retrouve pas, si sa charge mentale, puisque c’est l’objet du podcast, est trop élevée, alors toutes les initiatives seront vaines. Le bonheur au travail, ou du moins le bien-être au travail, ne sera pas au rendez-vous. Vous l’avez très bien dit, pour moi, la cuvée représente quelque chose d’holistique et global. Cela englobe, une fois encore, une fiche de poste claire, des entretiens annuels définissant des objectifs réalisables et réalistes, etc. Cela inclut également un management bienveillant, du sens au travail, et pour cela, nous avons de la chance dans nos collectivités territoriales. Car quoi de plus noble que de servir le public ? Nous servons quotidiennement les citoyens de nos organisations, les Rémois en l’occurrence, et les grands rémois pour ce qui me concerne. Et effectivement, nous pouvons intégrer dans cela tout un ensemble d’éléments, y compris, une fois encore, l’évaluation des métiers, la gestion de la pénibilité, la médecine préventive, les parcours professionnels et les risques d’usure professionnelle. En bref, je dirais presque qu’en RH, nous travaillons presque quotidiennement sur la QVT. Après avoir dit cela, il reste à voir comment structurer tout cela. Pour donner quelques exemples à Reims, depuis que j’ai repris la DRH assez récemment, nous avons quelque peu réorganisé les choses. J’ai notamment identifié des pôles de compétences au sein de la DRH, et nous avons clairement identifié un pôle appelé QVCT, qui comprend notamment un service de sécurité et de conditions de travail, notre référent en dialogue social – car cela fait également partie de la qualité de vie, c’est aussi la partager avec nos partenaires sociaux – un service social, ainsi qu’une chargée de projet dédiée à la QVT. Nous avons vraiment voulu identifier une personne sur ce sujet, récemment arrivée et chargée d’élaborer un plan pour la qualité de vie et les conditions de travail. La deuxième structure que j’ai souhaitée pour poser les bases, les fondements de la QVT, c’est de créer une école des managers. Nous sommes en train de travailler là-dessus avec des parcours de formation qui seront obligatoires, que nous sommes en train d’élaborer en collaboration avec le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, qui est notre principal organisme de formation. Car je suis intimement convaincu que la qualité de vie et le bien-être au travail passent également par la manière dont on est managé. Cela concerne les agents d’un côté. Et de l’autre côté, je suis convaincu depuis toujours que la fonction de manager est un véritable métier et peut être extrêmement difficile. Cela peut isoler beaucoup. Et quand on éprouve des difficultés dans son rôle de manager, cela peut être préjudiciable à soi-même et mettre en danger les équipes. Car pour bien manager les autres, je pense qu’il faut se connaître un peu et être soi-même à l’aise dans son rôle. C’est donc quelque chose que nous mettons également en place. Au-delà de ces éléments structurants, nous mettons en œuvre des actions plus ponctuelles. La sédentarité devient le mal du siècle. Nous encourageons donc beaucoup les initiatives et organisons de nombreux événements pour promouvoir l’activité physique. Par exemple, le challenge Kipling, en partenariat avec Plexi notamment, encourage les gens à faire des pas en équipe sur une durée déterminée et nous a permis de faire un don de 10 000 € à la banque alimentaire. Ainsi, il y a un objectif de responsabilité sociale derrière tout cela. Nous organisons également des séances de sport collectives dans la salle des fêtes de l’Hôtel de ville de Reims. Récemment, nous étions 50 à faire du sport pendant l’heure du déjeuner. Et début juin, nous organisons une semaine de la QVT en partenariat avec notre association sportive municipale, où nous permettons aux agents de participer à des séances de sport pendant le temps de travail. Nous leur proposerons également de la sophrologie, de la luminothérapie, de la relaxation, ainsi que des conférences. En résumé, nous sommes en train de mettre en place un programme complet pour permettre à nos agents de vivre la QVT au quotidien. Nous ajoutons également des actions de désensibilisation aux addictions, etc., en lien avec notre service de prévention et de médecine, pour prendre soin de la santé de nos agents. Voilà, il y a vraiment deux aspects : d’une part, la structuration de la DRH pour porter cette politique et l’ancrer dans notre ADN, et d’autre part, des initiatives plus ponctuelles.
Comment vous veillez au bien-être de vos équipes ?
Magaly Siméon : Et vous venez d’aborder votre service de santé au travail et le sujet des addictions. C’est quelque chose sur lequel vous êtes également très structuré aujourd’hui, c’est-à-dire que vous veillez à la santé de vos agents.
Olivier Petit : Exactement. Jusqu’à la fin de l’année dernière, nous assurions notre service de médecine par le biais d’une convention avec le CHU de Reims, mais finalement, nous étions un client parmi d’autres. En fait, nous avons fait un choix significatif, salué par l’exécutif et la direction générale, celui de créer notre propre service de santé au travail. Nous avons donc recruté un médecin du travail, deux infirmières et un assistant, loué des locaux, acheté tout le matériel nécessaire, etc. Depuis le 1ᵉʳ janvier, nous sommes opérationnels. Cela nous permettra d’avoir une connaissance approfondie de nos métiers. Au dernier recensement, lors du Salon de l’emploi public à Paris la semaine dernière, nous avons dénombré 236 métiers dans nos collectivités. Avoir un service dédié nous permettra de mieux appréhender ces métiers, de fournir des recommandations et des accompagnements plus ciblés et pertinents aux agents. Cela nous permettra également de les sensibiliser et de les accompagner sur des questions de pénibilité, entre autres.
Magaly Siméon : Aujourd’hui, on entend souvent dire que les salariés attendent une gestion plus personnalisée, voire très personnalisée. Et lorsque l’on prend en compte nos 236 métiers, comment gérez-vous cela concrètement? Vous n’avez peut-être pas besoin de proposer 236 offres RH différentes, mais il est certainement nécessaire d’adapter ou de spécifier vos services.
Olivier Petit : En réalité, nous avons identifié un enjeu crucial que nous avons intégré comme axe principal de notre stratégie RH pluriannuelle, à savoir le partage de la fonction RH. Actuellement, au sein de la DRH, nous sommes 80 ou 90 pour gérer près de 4000 agents. Il est totalement illusoire de penser que nous pourrions les gérer seuls. Ainsi, le partage de la fonction RH représente un véritable défi. En effet, sans un dialogue quasi quotidien avec les directions et l’ensemble de la hiérarchie, nous ne pouvons pas répondre efficacement. Ce sont eux qui possèdent une connaissance approfondie des métiers et c’est seulement grâce au partage de la fonction RH et des connaissances que nous pourrons adapter notre réponse de manière précise et adaptée. Dans ce cadre, nous développons également un véritable réseau de référents RH au sein de chaque direction afin d’avoir une présence continue sur le terrain et d’adapter notre offre au plus près des besoins de nos agents. De plus, j’ai mis en place il y a trois ans des dialogues de gestion. Chaque année, nous rencontrons une cinquantaine de directions pour discuter de leurs organigrammes, de leurs contraintes, de leurs problématiques et de leurs évolutions de périmètre, afin que nous puissions répondre en termes de recrutement, d’apprentissage et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Nous leur avons également fourni tout un ensemble d’indicateurs RH pour piloter conjointement les RH. Cette démarche est extrêmement appréciée des directeurs car elle les rapproche davantage de la direction et de leurs préoccupations quotidiennes. C’est là tout l’enjeu de la DRH : être à la fois dans la stratégie et le macro, tout en ayant un ancrage dans le terrain et une connaissance des contraintes quotidiennes des agents et des managers.
Magaly Siméon : Dans le secteur privé, on dit souvent que le véritable RH est celui qui est devenu un partenaire commercial, donc vous ne faites pas du commerce, mais vous êtes véritablement devenu un partenaire.
Olivier Petit : En fait, c’est exactement l’enjeu, être véritablement une direction ressource au service de nos directions.
La particularité des collectivités
Magaly Siméon : J’ai interviewé il n’y a pas très longtemps le responsable de la qualité de vie au travail de la RATP, et il a mentionné qu’aujourd’hui, les employés exposés au public faisaient l’objet d’un accompagnement spécifique en raison des pressions et du stress particuliers. Avez-vous également constaté cela ?
Olivier Petit : Oui, effectivement, l’accueil du public est clairement un facteur de pénibilité que nous avons identifié depuis un certain temps maintenant. Nous avons donc mis en place un parcours de formation dédié pour les agents d’accueil, qui inclut notamment un module spécifique sur cette thématique.
Magaly Siméon : D’accord, donc cela signifie que certains métiers peuvent entraîner des formes de pathologie ou de maladies professionnelles, avec des personnes plus stressées, plus épuisées, c’est bien cela ?
Olivier Petit : D’accord, donc ce n’est pas encore au stade de la maladie professionnelle. Mais il est vrai que c’est une mission particulière que d’accueillir du public, surtout lorsque ce dernier adopte de plus en plus une attitude consumériste. On entend souvent des remarques du type « je paie mes impôts ici, donc j’ai droit à… », ce qui crée une certaine exigence chez les clients. Certains secteurs sont également plus difficiles que d’autres, notamment en raison des barrières linguistiques. Donc, c’est un véritable facteur de pénibilité. Nous adaptons les locaux en collaboration avec notre ancien comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui est désormais le F3, SCT. Nous avons également des possibilités en termes de rémunération, avec ce que nous appelons les Nouvelles Bonifications Indiciaires d’Accueil (NBI), des majorations de rémunération reconnues par le statut. Cela montre que le statut reconnaît la spécificité de cette fonction. Cependant, nous travaillons également de manière plus générale sur la question de la pénibilité, un chantier important pour nous et pour toutes les ressources humaines à mon avis. Surtout avec le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, la véritable question de l’employabilité de nos collègues jusqu’à cet âge devient cruciale.
Magaly Siméon : Absolument. Si je creuse un peu plus, donc pour le personnel exposé au public, avec vos 236 métiers, est-ce que cela signifie que, par exemple, vous veillez à ce qu’ils soient formés, valorisés et que cela soit reconnu financièrement? Considérez-vous également qu’il existe une durée maximale d’exposition, c’est-à-dire que lorsque vous travaillez sur votre GPEC ou maintenant votre GPP, vous envisagez des évolutions à cinq ou dix ans pour les équipes en contact avec le public? Travaillez-vous également sur ce type de projections?
Olivier Petit : Alors, pas jusqu’à présent, en effet. Ce qui est bénéfique dans la fonction publique territoriale, avec ses 236 métiers, c’est que la mobilité y est très présente, presque une habitude, permettant de changer de services, de directions. Mais vous avez raison, c’est quelque chose que nous souhaitons formaliser, ancrer. C’est pourquoi j’ai transformé une cellule initiale en un véritable service d’accompagnement en mobilité professionnelle. Nous prévoyons de le renforcer avec un deuxième conseiller, car l’idée, comme vous l’avez souligné, est de créer des parcours professionnels. Nous rencontrons des difficultés, surtout avec nos agents d’accueil, qui possèdent des compétences transférables. Pour eux, il est relativement simple, entre guillemets, de trouver une reconversion. En revanche, nous rencontrons plus de difficultés avec nos agents de voirie, nos balayeurs ou nos ATSEM. Nous commençons dès leur embauche à leur dire qu’ils ne feront pas cela toute leur vie. Nous voulons mettre en place des entretiens de mi-carrière pour leur parler de plan de formation, d’évolution vers des compétences informatiques, etc., afin d’anticiper en amont. Actuellement, la mobilité intervient de manière contrainte lorsque les agents sont déclarés inaptes, mais c’est un échec collectif. Dans une logique de développement durable, notamment sur le plan social, nous voulons que nos agents prennent leur retraite en pleine forme. C’est pourquoi nous renforçons ce service de parcours professionnel. Nous avons également renforcé le service de santé et de conditions de travail pour améliorer les conditions de travail et trouver les meilleures conditions qui préservent au maximum le bien-être des agents.
Magaly Siméon : J’ai une dernière question pour vous, Olivier. Avec tout ce programme et ce parcours, vous avez mentionné que vous impliquiez les directeurs et les responsables d’entités. Avez-vous également impliqué les agents à certains moments ? Avez-vous mis en place des formes de consultation ?
Olivier Petit : Oui, absolument. Les évaluations des risques professionnels, nous les réalisons toujours sur le terrain, en collaboration avec les organisations syndicales. Nous menons également des entretiens avec les agents. J’ai un principe simple : ce sont ceux qui réalisent les tâches qui en connaissent le mieux les risques, y compris en ce qui concerne les équipements de protection individuelle (EPI), par exemple. Je soutiens l’idée que les agents devraient pouvoir tester les équipements qui leur conviennent tant qu’ils respectent les normes. Ce sont eux qui les portent toute la journée et qui les utilisent. Notre démarche vise donc à associer les utilisateurs finaux pour répondre au mieux à leurs besoins.
Conclusion
Magaly Siméon : Merci, c’est très intéressant et assez impressionnant. Et pour conclure, si vous avez mentionné les utilisateurs finaux, je pense qu’on est très proche de ce qu’on appelle parfois l’expérience collaborateur, un sujet souvent abordé dans d’autres entités. Merci Olivier.
Olivier Petit : Merci beaucoup Magaly. Avec plaisir, à bientôt.