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Introduction
Magaly Siméon : Quelle valeur donnons-nous aux ressources humaines ? Peut-être pas suffisamment, ou peut-être pas vraiment. Mylène aujourd’hui va nous raconter ce que c’est que l’épuisement professionnel, quand on l’a vécu, et comment en mettant plus de h de son point de vue, on obtient aussi plus de performance. Et c’est également ma conviction. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Mylène.
Mylène : Bonjour.
Magaly Siméon : Merci d’être là avec nous. Mylène, est-ce que vous voulez bien vous présenter pour nos auditrices et nos auditeurs ?
Mylène : Alors, je suis Mylène. Je travaille en ressources humaines depuis 2006. J’ai fait mes études en ressources humaines, et puis j’ai toujours travaillé dans ce domaine-là, dans plusieurs entreprises. J’ai 39 ans, j’ai deux enfants, donc le rôle de maman aussi, en plus du métier de RH.
Le témoignage de Mylène, arrêtée pour souffrance au travail
Magaly Siméon : Très bien, et Mylène, je crois qu’aujourd’hui vous êtes dans une situation alors que je ne pourrais pas qualifier d’un peu particulière, parce que malheureusement, visiblement, elle se répand dans le monde de l’entreprise. Est-ce que vous voulez bien nous en parler ?
Mylène : Oui. Alors du coup, moi, je suis actuellement en arrêt par rapport à des souffrances liées au travail. Et comme beaucoup de gens, effectivement, j’ai pu le voir dans plusieurs entreprises où j’ai travaillé, les salariés sont souvent en souffrance. Donc, en tant RH, on absorbe finalement cette charge émotionnelle des autres salariés aussi. Et puis on est finalement en tant RH, on est un peu la soupape pour tout le monde. En fait, ce qui n’est pas évident quand on est notamment hypersensible comme moi. Donc, c’est qu’on m’a reproché finalement parfois d’être hypersensible alors que pour moi, ça reste une force, justement pour avoir de l’empathie et comprendre les salariés qui sont en souffrance et alerter la direction quand c’est nécessaire.
Pour mon cas, j’ai alerté aussi sur une charge de travail. J’aime avoir beaucoup de travail aussi. Donc j’ai forcément ma part, on va dire, de responsabilité. J’ai eu une période de culpabilisation après, on m’a amenée là où j’en suis parce que ce n’est pas si simple que ça dans le monde de l’entreprise. J’en veux à personne aujourd’hui. Maintenant, je me reconstruis, je suis en phase de guérison, si on peut dire. Par contre, j’ai atteint un point de mon retour par rapport à la structure où je travaillais et après, il faut changer en fait. Donc j’ai déjà vécu un peu des situations compliquées avec des incompréhensions de la direction dans une autre structure. Etre RH, ça reste un métier compliqué au niveau de la charge mentale. Et il faut savoir à un moment donné renoncer, et j’avais utilisé ces mots-là qu’on a utilisés pour moi.
J’ai dit que j’avais trop de travail, parfois très souvent. Et je n’en veux pas aux entreprises dans lesquelles j’ai travaillé, ou même aux entreprises qui peuvent répondre ça, il faut renoncer à certains projets pour prioriser, ce que je comprends. Mais ce n’est pas si simple. Quand on a la tête dans le guidon, quand on a des attentes très fortes, des managers, des dirigeants multiples ou multisites, parce qu’ils attendent beaucoup aussi de la fonction RH. Et finalement, quand on reçoit des appels, moi, je me fais toujours une obligation de réponse. En fait, pour ne pas laisser les managers seuls dans les conflits qui peuvent avoir de salariés dans les difficultés qu’ils peuvent avoir sur les ressources humaines parce que ça prend une grande part aujourd’hui de leur métier. Donc j’essaie de transmettre pour que les gens soient les plus autonomes possible. Mais ce que je constate aussi, c’est que les dirigeants n’ont pas non plus les clés pour ne pas mener au burn-out.
La non-écoute des dirigeants et des managers
Magaly Siméon : Vous avez commencé par dire j’aime beaucoup travailler, après vous m’avez dit j’ai essayé d’alerter, et il y a une phase où on m’a culpabilisé. C’est comme ça que vous voyez un peu le déroulement, c’est-à-dire finalement d’essayer d’appeler à l’aide, et qu’on vous remette juste une charge supplémentaire sur les épaules en vous disant, vous n’avez qu’à prioriser. C’est à vous de savoir vous organiser. Vous devez apprendre à dire non, c’est comme ça que ça s’est passé.
Mylène : Alors, ça s’est passé dans une de mes expériences. Je partage un peu tout mon parcours.
Magaly Siméon :Très bien.
Mylène : Dans une de mes expériences, c’est ce qu’on m’a répondu. Alors pas dans la dernière, parce que ça s’est il y a quelques années, on m’a répondu, va falloir vous retrousser les manches. Alors que voilà, je ne pouvais pas donner plus, je ne pouvais pas. Je suis même allée en formation, gestion du temps, où même la formatrice m’a dit ce n’est pas un problème de gestion du temps. C’est un problème de charge réelle parce qu’il y a la charge réelle de travail. Et il y a aussi la charge qu’on s’impose mentalement. Étant hypersensible, il y a un cerveau qui mouline beaucoup. Après la culpabilisation, je pense que ce n’est pas si clair que ça. En fait, c’est insidieux parce que moi, je me suis mise à culpabiliser, mais d’autres salariés qui sont dans des cas similaires vont se culpabiliser par rapport à une situation, parce qu’on est dans une société qui culpabilise les fragilités. J’aurais à dire, mais ce n’est pas vraiment le mot. C’est plutôt les vulnérabilités à un instant donné, où d’autres vont pouvoir éventuellement en profiter de ce moment de vulnérabilité pour mettre la tête sous l’eau à quelqu’un qui essaye de s’exprimer. Donc, c’est insidieux. Je pense que c’est insidieux la culpabilisation. Après, on a une mission aussi en tant que RH, on est sensé être un peu à l’écoute des salariés, pour pouvoir remonter les dysfonctionnements et arriver à régler les problèmes qu’il y a dans l’entreprise. Donc, c’est une mission qu’on a aussi. Moi, je l’ai prise très à cœur. J’aime mon métier. Mais c’est vrai que ce n’est pas toujours facile.
Quand le corps dit stop
Magaly Siméon : Oui, donc vous avez été face à la culpabilisation. Vous avez finalement cherché à aider vos collègues, votre hiérarchie, etc. Est-ce qu’à un moment donné, vous avez été rattrapée par des signes de stress ? Vous avez vu ça venir, ça s’est fait de façon insidieuse ? Comment est-ce que ça s’est passé pour vous ?
Mylène : Alors, pour moi, c’était assez insidieux. En fait, c’est arrivé d’un coup. J’étais sur un projet très important pour la direction, donc j’avais beaucoup de travail. Mais je ne lâche jamais, je ne lâche jamais. C’est-à-dire que je ne vais jamais m’arrêter. Je vais toujours au bout. J’essaie toujours de solutionner, même si ça prend un temps énorme. Et puis, en fait, c’est arrivé d’un coup. C’est-à-dire que j’ai eu un blocage. Je me suis retrouvée à pleurer dans la rue en allant travailler. Ça a été le déclic. Mais avant ça, il y avait eu des signaux qui auraient dû m’alerter, mais je n’ai pas écouté ces signaux-là, tout simplement. Je les ai occultés, je me suis dit non, ça va passer, ça va passer. On a l’habitude de se dire ça va passer, ça va passer, mais à un moment donné, ça passe pas. Donc, moi, j’ai eu un déclic en pleurant dans la rue. Et puis, là, j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé ma direction, j’ai dit que j’arrêtais tout. Et puis, c’était fini.
Magaly Siméon : Donc, c’était vraiment un déclic, une prise de conscience assez brutale, on peut le dire.
Mylène : Oui, c’était brutal. Parce que c’est vrai que quand on est dans le feu de l’action, on ne se rend pas forcément compte. Et puis, le corps parle. Et moi, mon corps a parlé.
Se reconstruire après un burn-out
Magaly Siméon : D’accord. Et comment ça se passe aujourd’hui pour vous ? Parce que vous avez pris cette décision d’arrêter. Comment est-ce que vous vous reconstruisez aujourd’hui ?
Mylène : Alors, aujourd’hui, ça fait un peu plus d’un mois que je suis en arrêt. Je suis suivie par un psychiatre et une psychologue, donc ça m’aide énormément. J’ai décidé de prendre du temps pour moi. Ça a été difficile, au début, de ne rien faire. Je me suis demandée qu’est-ce que je vais faire ? Parce que je ne sais pas rester à rien faire. C’est très difficile pour moi. Mais je me suis forcée à faire des choses. J’ai repris un peu la peinture, j’ai repris le piano. J’ai pris du temps pour moi, pour faire des choses qui me plaisent. Et puis, voilà, je suis suivie. J’ai un traitement, donc ça m’aide aussi énormément.
Magaly Siméon : D’accord. Et est-ce que vous vous projetez dans l’avenir, est-ce que vous pensez revenir au travail ? Est-ce que vous envisagez les choses différemment maintenant ?
Mylène : Alors, aujourd’hui, j’ai besoin de me reconstruire. Je pense que je ne reviendrai pas dans l’entreprise où j’étais. Je ne me sens pas capable de retourner là-bas. Mais j’ai envie de me reconvertir. Je me suis toujours dit que je voulais aider les gens. Et aujourd’hui, je veux vraiment aider les gens. Donc, je pense me reconvertir dans le coaching professionnel.
Magaly Siméon : D’accord. Eh bien, c’est un beau projet d’avenir. Et je vous souhaite plein de succès dans cette démarche. Et merci beaucoup, Mylène, d’avoir partagé votre histoire avec nous aujourd’hui.
Mylène : Merci à vous de m’avoir écoutée.