Séverine Houcke : En fait, pour moi, la traduction directe de ça, c’est la notion d’engagement en réalité. Et ce que je mets derrière la recherche de sens, c’est concrètement à quoi je contribue en fait, à quoi l’équipe contribue, je mets derrière ça la notion de projet commun, à quel projet commun je contribue, et moi dans ce projet commun, quelle est ma contribution individuelle en fait. Parce qu’effectivement la notion de sens, elle peut vite être valise en fait. On peut vite mettre des valeurs dans les couloirs, il n’y a pas de problème. C’est ça, c’est un coup, c’est dans quelle direction on va en fait, c’est le sens, au sens direction pour moi.
Comment améliorer l’engagement des équipes ?
Magaly Siméon : Et donc là, vous êtes retournée sur le terrain de la DRH qui doit répondre à ces nouvelles demandes et qui doit faire en sorte que l’entreprise soit attractive, que vous gardiez les salariés que vous voulez garder. Qu’est-ce que vous mettez en place et comment on concilie le fait de devoir développer ce qui sont des nouvelles actions avec les stratégies de croissance, de rentabilité de l’entreprise ?
Séverine Houcke : C’est-à-dire comment ça… ça matche avec la vie opérationnelle de l’entreprise, parce que finalement, c’est nouveau. C’est nouveau, oui et non. Je dirais que ce sont des tendances qui ont déjà été amorcées. Je dirais que par rapport à ça, on a eu quand même un événement majeur qui a été aussi le Covid qui nous a aidés là-dessus. Parce que si on va sur le terrain de l’équilibre vie pro, vie privée, mais qui rejoint aussi l’équilibre dans les relations, au sens j’ai besoin de mes moments seuls, mes moments en équipe. On a le Covid qui a favorisé notamment l’émergence du télétravail qui permet effectivement ces meilleurs équilibres. Et donc aujourd’hui, on voit bien que le télétravail, même s’il préexistait au Covid, aujourd’hui s’est clairement généralisé. Et on se rend bien compte qu’aujourd’hui, c’est une question que nous, on a en tant que DRH, systématiquement en entretien de recrutement. Est-ce qu’il y a du télétravail et à quelle hauteur en fait ? dans quelle proportion. Donc ce qui montre bien que ça aujourd’hui, c’est passé dans les mœurs en fait. Et j’ai envie de dire, ça s’est fait presque naturellement. Donc aujourd’hui, plutôt, j’ai envie de dire, là où ça a pour moi un impact, c’est sur le positionnement des DRH. Et je pense que dans les années à venir, on va avoir un vrai sujet de positionnement et de posture de la DRH, qu’on va voir évoluer en réalité. Et si je prends mon cas, je dirais que ma formation de coach m’a beaucoup aidée en la matière, puisqu’aujourd’hui, je dirais que moi-même, mon positionnement, il a changé en fait, compte tenu des nouvelles attentes. Historiquement, et compte tenu de ce que j’ai décrit avant, j’avais un positionnement qui était très clairement orienté direction. Aujourd’hui, bien sûr, j’appartiens toujours à la direction, je suis membre de la direction et j’ai aussi dans mes fonctions d’accompagner la stratégie de l’entreprise et d’être un acteur du changement important . Mais néanmoins, le contexte nécessite une approche moins descendante. Aujourd’hui, mon positionnement est plutôt de chercher à chaque fois où va être l’intérêt commun pour toutes les parties en réalité, que ce soit la direction ou les salariés. Et ça, ça change notre positionnement de DRH en réalité.
Le changement de posture
Magaly Simeon : C’est-à-dire, ce que vous êtes en train de dire, c’est… alors je le fais un peu à l’âge et à la caricature, on est passé du chef du personnel qui appliquait les directives qui venaient d’en haut, à un interlocuteur de toutes les parties, et qui doit faire avancer l’entreprise sur ces sujets dans le sens d’un consensus.
Séverine Houcke : On pourrait le dire comme ça, Magaly, très clairement, même si je ne vais pas pouvoir l’afficher en tant que telle, encore aujourd’hui, forcément dans l’entreprise. Mais c’est le positionnement que je vais avoir. Et c’est ce vers quoi on va tendre aujourd’hui.
Magaly Siméon : Mais ce qui semble tellement, enfin quand je vous entends, ça me semble tellement évident, c’est-à-dire on a un collectif de salariés qu’on doit attirer et retenir, donc on doit bien les considérer comme un collectif qu’on doit satisfaire aussi.
Séverine Houcke : Exactement. Et du coup, par ricochet, ça veut dire qu’aussi au-delà du positionnement, dans ma posture, dans mon métier de DRH, je vais plutôt adopter une posture de coach en réalité. Même si je ne peux pas faire du coaching de salarié directement, parce que d’un point de vue éthique, je ne peux pas faire de coaching en interne, mais ça ne m’empêche pas d’adopter la posture du coach et d’adopter les outils du coach. Parce que les premiers outils du coach, c’est ses yeux, ses oreilles, son corps, qui vont être ses outils, sa boussole en fait, ses ressentis pour naviguer, comprendre, se mettre à la place de l’autre, etc. Et donc tout ça, je vais l’utiliser moi dans mon quotidien. Et je vais plutôt me positionner comme un accompagnant en réalité. Alors, à la fois pour les salariés, pour les aider à réfléchir sur eux-mêmes, à qui ils sont. Alors, la trame de fond de ça, en pointillé, qu’on va retrouver partout, c’est la connaissance de soi, en fait. Les emmener tous sur la connaissance de qui ils sont. Donc, les salariés, en premier lieu, les faire réfléchir à leur carrière, où est-ce qu’ils veulent aller. Et en fait, l’idée, c’est de les rendre acteurs de leur évolution. Pareil pour les managers, les éduquer, leur faire prendre conscience que les premiers interlocuteurs RH, c’est eux, d’abord et avant tout, les former à l’écoute bienveillante, à la prise en compte de l’humain. Les équipes, puisque les équipes, il va falloir faire, comme vous l’avez très bien dit tout à l’heure, de la médiation, la facilitation, comment mieux travailler ensemble, comment favoriser le collaboratif. Et les leaders, là, ça va plutôt être sur l’aspect vision, en fait. Quelle est leur vision ? Comment ils la communiquent ? Comment ils amènent les équipes à réaliser les objectifs communs ? Comment ils vont booster la confiance des collaborateurs ? et comment ils vont adopter la bonne posture de guide en réalité. Et là, on va reboucler sur la notion de sens en réalité, pour donner la direction et emmener le collectif. Et en fait, pour moi, notre rôle de DRH, il est là en réalité.
Magaly Siméon : Quand je vous écoute, ce que vous m’expliquez, c’est à tous les étages de l’entreprise, la nouvelle posture du DRH et de faire en sorte que soient développés les soft skills.
Séverine Houcke : Bien sûr, Magaly. C’est-à-dire d’avoir des managers qui managent, et donc manager n’est pas simplement donner des ordres à exécuter, mais avoir effectivement une écoute active, être capable d’identifier des signaux faibles, avoir des leaders qui lient et donc qui sont capables de partager une vision compréhensible pour tous, et partager, enfin voilà, et avoir un DRH.
Magaly Siméon : Alors, tout à l’heure vous avez dit, je rends, donc j’aide aussi les salariés à devenir acteurs de leur carrière, mais alors… quand tout le monde devient acteur de sa carrière, comment est-ce qu’on gère ce qui risque d’être aussi des attentes frustrées, des demandes qui ne seront pas satisfaites ? Parce que ça peut créer des attentes que derrière, vous ne pourrez pas satisfaire en tant qu’entreprise.
Séverine Houcke : Bien sûr. Alors après, il faut quand même savoir que tout le monde n’a pas forcément envie d’évoluer. Ça, c’est une chose. Une deuxième chose, c’est que même parfois, si les gens ont envie d’évoluer, ils ont des difficultés à se donner les moyens pour évoluer. Et après, effectivement, ce qui veut dire aussi que nous, en tant qu’entreprise, il faut aussi, à certains moments, savoir être créatif, au sens, ça veut dire avoir des entreprises relativement agiles. Alors, il ne s’agit pas de créer un nouveau poste pour chaque salarié, mais il s’agit aussi parfois de ne pas simplement avoir des cases, et on va mettre les personnes dans les cases, mais c’est plutôt de se dire où, encore une fois, peut être l’intérêt et du salarié et de l’entreprise, en réalité, de chercher l’intérêt commun et de construire autour de ça. Et après, il faut aussi accepter que parfois, l’évolution pour le salarié, elle ne sera pas dans l’entreprise, elle sera peut-être en dehors de l’entreprise. Et il faudra savoir dire aussi à la personne et au salarié, écoute, à cet endroit-là, je ne pourrai pas satisfaire ton souhait d’évolution. Donc, il faudra que tu puisses aller voir ailleurs. Mais en tous les cas, on préparera ça ensemble, de telle sorte à ce que nous, on puisse intégrer un nouveau collaborateur et la personne puisse sortir de l’entreprise de manière, j’ai envie de dire, sereine et saine.
Magaly Siméon : Et alors ça, ça sera le mot de la fin parce que je pense que c’est une des choses sur lesquelles les entreprises doivent progresser. C’est être capable, quand l’entreprise prend conscience qu’on arrive peut-être au bout de la collaboration, d’y mettre fin de façon sereine et saine pour tout le monde.
Séverine Houcke : Exactement.
Magaly Siméon : Moi, j’ai vu des gens se dessécher, même se déshydrater dans des placards dorés dans des grands groupes. C’est une solution qui est inhumaine en fait. Et je vous remercie pour ce mot de la fin parce que je pense que c’est un point qu’on oublie souvent. Il faut aussi savoir mettre fin à la relation. Merci beaucoup Séverine.