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Introduction
Magaly Siméon : Cet épisode est enregistré dans le cadre du challenge Cross Promo, organisé par Ausha Factory.
Je suis Magaly Siméon. Je suis entrepreneure, coach et podcasteuse. Je suis ravie d’être là avec vous aujourd’hui et je passe la parole à Laetitia.
Laetitia Leonhardt : Bonjour, je suis Laetitia, podcasteuse pour le podcast ‘Secret de Polichinelle’ qui aborde différents sujets de société sans tabou. Et je suis ravie aujourd’hui d’être ici avec Magali pour aborder notre thème du jour, qui est la santé mentale et la performance au travail. Et plus précisément, comment concilier performance et santé mentale au travail.
Conciliation vie professionnelle et vie personnelle
Laetitia Leonhardt : Magaly, vous êtes maman de trois enfants. Vous avez évolué dans le monde de l’entreprise en travaillant à 80 % pendant plus de 25 ans. Quels ont été vos plus grands défis en matière de conciliation de votre vie professionnelle avec votre vie personnelle ?
Magaly Siméon : Ce que j’ai trouvé, mais ce que j’ai vu autour de moi, très difficile, c’est le sentiment d’être jamais au bon endroit, le sentiment d’être dans une réunion qui n’est pas très utile alors qu’il y a la réunion de parents d’élèves ou le spectacle de fin d’année. Et à côté de ça, le sentiment d’être rentrée pour dîner avec mes enfants à la maison alors qu’il y a une réunion supposément importante à laquelle je ne participe pas, avec des effets derrière, c’est-à-dire des enfants qui vous reprochent de ne pas avoir été là ou des décisions qui sont prises dans ces réunions-là où vous n’étiez pas. Et donc, puisque vous n’étiez pas là, vous ne pouvez pas vous y opposer ou même en discuter.
Donc ça, ça a été un inconfort qui a duré quelques années pour moi, un sentiment d’être un peu ‘lost in translation’, en fait, jusqu’au jour où je me suis décidée à faire des choix. Charles Pépin dit qu’il y a une vraie différence entre décider et choisir. Il dit que quand on décide, c’est qu’on prend une décision en ayant une part d’inconnu, alors que quand on choisit, on pèse le pour et le contre dans un environnement connu. Et là, dans ce cas-là, j’ai choisi, c’est-à-dire j’ai choisi de me dire je pars du bureau à 18 h pour pouvoir dîner avec mes enfants. Et donc j’ai choisi de le dire, de le rendre officiel et de dire si une réunion démarre après 17 h 30, je n’irai pas parce que si elle démarre après 17 h 30, il y a peu de chances que je puisse être disponible pour partir à 18 h. Et puis à côté de ça, j’ai choisi, quand je suis au bureau, d’être totalement au bureau et donc de ne pas avoir de distractions personnelles. Souvent, quand on est maman, quand on est au bureau, on est obligé de faire un peu des trucs perso. Moi, si j’ai pris mon choix, c’est pour pouvoir, quand j’étais au bureau, n’être qu’au bureau à 100 %. J’étais plutôt le genre de femme à ne pas avoir les photos de ses enfants au bureau et avoir une séparation très marquée entre ma vie perso et ma vie professionnelle. Quand j’étais à la maison, j’étais pleinement présente, en sachant que j’avais renoncé à un certain nombre de choses et que c’était ok, et quand j’étais au bureau, j’étais à fond, en sachant que mes enfants allaient bien et qu’ils allaient fonctionner sans moi pendant un moment.
Mais c’est un vrai défi parce qu’on parle de performance et de santé mentale, et donc de performance et de bien-être dans ce podcast. Et en fait, moi, je vois beaucoup de femmes, et c’est plus souvent des femmes que des hommes aujourd’hui, qui courent après le temps, en ayant toujours le sentiment d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. Et ça, pour la santé mentale, c’est très mauvais. C’est très mauvais pour la valeur qu’on s’accorde, ce sentiment d’être jamais au bon endroit. Donc c’est hyper important de se dire que les choix de vie qu’on fait en matière de conciliation entre notre vie privée et notre vie professionnelle sont des choix qui nécessitent des sacrifices, du renoncement et le fait de l’accepter. Sinon, on n’est jamais bien. Et ce n’est pas bon pour notre bien-être.
Laetitia Leonhardt : Est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur pour vous, pour justement faire ce choix ?
Magaly Siméon : Une fois, j’avais accepté une réunion qui s’est étirée jusqu’à 18 h, 18 h 30. Non seulement il y a les enfants, mais aussi la personne qui s’occupe des enfants, que vous devez décaler d’autant plus parce que vous allez rentrer plus tard. Je regardais cette réunion qui ce jour-là s’est terminée à 19 h 15. Je suis sortie de la réunion en disant à mon boss, on n’a pris aucune décision. On est restés deux heures et quart en réunion dans une salle sans fenêtres où la moitié des gens regardaient leur téléphone portable et on n’a pris aucune décision. Et moi, ça m’a mis en retard pour toute ma soirée. En fait, je n’étais pas au bon endroit. Et donc ce jour-là, j’ai dit à mon boss, écoute, moi, je vais m’organiser mon heure de fin de journée. J’aurais une heure fixe. C’est 18 h 30. Et ce qui se passe après 18 h, je ne serai pas là. Je me ferai possiblement représenter, mais je ne serai pas là.
Ce qui a été assez étonnant, c’est que dans le temps, ça ne s’est pas fait tout de suite. Mais ce que j’ai réalisé, c’est que quand j’étais nécessaire dans une réunion, ils faisaient en sorte qu’elle ait lieu avant 17 h. J’ai eu assez peu de cas, finalement, dans ma carrière d’absence à une réunion où je me suis dit là, vraiment, c’était dommage que tu ne sois pas là. C’est assez peu arrivé, ce qui pourrait nous emmener, Laetitia, à une discussion assez longue sur la qualité des réunions en France, mais ce sera un autre sujet de conversation.
Laetitia Leonhardt : Tout à fait.
Magaly Siméon : Et vous, alors Laetitia, vous êtes ce qu’on appelle une slasheuse. Vous êtes à la fois digital manager avec des missions et des fonctions dans les entreprises, et vous êtes aussi podcasteuse. Comment est-ce que vous réussissez à concilier ces deux facettes et comment cela s’y prête-t-il avec les métiers du digital ?
Laetitia Leonhardt : C’est vrai, toute une journée dans un open space cinq jours sur cinq, il est très difficile le soir d’avoir encore l’énergie pour reprendre une autre activité. Et le week-end, on a aussi besoin de se ressourcer pour sa santé mentale, de pouvoir déconnecter. Après, c’est une gymnastique que j’ai acquise assez tôt parce que j’ai passé beaucoup d’années dans des pays anglophones et que c’était déjà un art de vivre dans ces pays-là. J’ai tout de suite côtoyé des gens qui avaient plusieurs métiers et étant très curieuse de nature, j’ai eu très rapidement l’envie, en voyant arriver les podcasts, de tester. Je suis très axée autour de tout ce qui est audio. Je fais aussi de la musique. Tout ce qui tourne autour de la voix m’a naturellement attirée et j’ai eu envie d’essayer avec cette culture un peu que nous avons la chance d’avoir en digital de ce qu’on appelle en anglais, par un anglicisme, le ‘test and learn’, de se tester, d’explorer.
C’est vrai que c’est quelque chose que j’ai eu envie de faire naturellement sans trop me poser de questions. Je suis assez portée par mes passions. Quand j’ai une passion, j’aime aller au bout. Quand j’ai un rêve, j’aime cette force qui me pousse, cette motivation intrinsèque qui fait partie de moi. Et c’est cela qui fait que je trouve les solutions. Après, il y a aussi, comme je suis tout à fait d’accord avec vous sur la question du choix, un moment où au niveau du travail, je me suis retrouvée confrontée à cette nécessité de dire les choses, de parfois savoir dire non, parce que nous pouvons nous retrouver effectivement entraînés dans des réunions sans fin. Et moi, je sais que ça a été une des choses les plus difficiles pour moi. Quand je suis revenue à Paris, revenue en France, ça a été cette réunion aiguë, parce que c’est vrai qu’effectivement, quand on a des objectifs clairs et qu’on a des actions claires à mener, je ne voyais pas forcément l’intérêt de pouvoir en discuter pendant des heures, sans savoir trop à la fin qui fait quoi et quelle est la prochaine action clé pour que le projet avance.
Donc c’est vrai qu’en étant aussi manager, en ayant aussi un cadre à donner, ça me permet d’ajuster certaines choses et de donner aussi un rythme, un tempo, de pouvoir optimiser le temps, faire en sorte qu’on soit efficace dans la gestion des projets. C’est très variable, ça n’a pas toujours été le cas. Donc c’est vrai que je dirais que ça dépend aussi du contexte, qui effectivement, à un moment donné, ne peut pas être partout. Et c’est le risque, effectivement, d’avoir l’impression d’être un petit peu à chaque endroit sans y être vraiment. Et donc d’arriver à pouvoir un petit peu plus compartimenter ces différents moments pour être complètement dedans.
La santé mentale aux Etats Unis
Magaly Siméon : Je reviendrai bien sur un point, puisqu’on parle de santé mentale et de performance au travail, je considère qu’en France, dans les entreprises françaises, le présentisme est un mal absolu qui fait qu’on a quasiment maintenant, sur la population de cadres, un salaire qui est plus indexé sur le temps passé que sur l’efficacité et les objectifs atteints. Vous avez travaillé dans d’autres cultures, dans les cultures anglo-saxonnes, on est bien d’accord, que les entreprises anglo-saxonnes savent fonctionner sans qu’on termine à 20 heures.
Laetitia Leonhardt : Tout à fait, c’est même une hérésie. J’ai souvenir d’un directeur financier en Irlande qui venait dans les bureaux le vendredi à 17 h pour chasser tout ce qui s’y trouvait encore. Effectivement, j’ai eu la chance de travailler. Alors les États-Unis, ça peut être un peu différent dans des villes comme New York, potentiellement globalement, quand même, pour avoir travaillé aussi bien.
Donc aux États-Unis, notamment sur la côte ouest, en Australie et en Irlande, puis un petit peu en Angleterre aussi, il est évident qu’il y a un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle qui est clé. C’est vrai que la partie loisirs et sport est très importante, ainsi que la vie de famille. Et c’est inconcevable, en fait, c’est plutôt un signe d’incompétence de rester trop tard. J’adore ça. Vivre comme cela en France, je pense que ça contribuerait beaucoup à la santé mentale et à l’égalité hommes-femmes.
Les moments clés dans la vie d’un individu
Laetitia Leonhardt : Tout à fait, je vous rejoins complètement sur ce point, Magaly. Je me disais justement, est-ce qu’il y a des moments clés dans la vie d’une personne qui peuvent intensifier ce stress et ces difficultés au travail que nous allons commencer à évoquer ?
Magaly Siméon : Oui, forcément. Il y a des moments clés professionnels qui vont être une promotion, un nouveau projet, l’arrivée d’un nouveau boss auquel il faut s’habituer. Ces moments clés, aujourd’hui, dans les entreprises, sont souvent anticipés, voire accompagnés avec du mentoring ou du coaching, parce qu’ils sont pris en compte comme des moments un peu plus intenses. Mais il y a aussi tout ce qui peut arriver dans la vie personnelle, ce que moi j’appelle d’abord les premières fois. Ce n’est pas parce qu’une première fois est une bonne nouvelle que ce n’est pas un moment de stress. Le premier déménagement, le premier bébé, la première entrée scolaire, la première orientation scolaire, tous ces événements de première fois où, comme on ne les a jamais vécus, on se sent un peu gauche. Et donc ça génère du stress parce qu’on a peur de ne pas bien faire.
Et puis après, il y a les événements de vie, c’est-à-dire ce qui peut malheureusement nous arriver ou arriver à notre entourage : une maladie, un deuil, une grosse difficulté scolaire pour un enfant, qui là aussi vont générer du stress. Je suis toujours un peu étonnée par cette croyance. C’est en train de bouger, mais il y a encore quelques années, cette croyance française de laisser la vie personnelle à la porte du bureau relevait quasiment d’une intention de schizophrénie. C’est-à-dire qu’on a beau avoir des problèmes personnels ou un proche qui souffre, et quand on ferme la porte du bureau, on oublie notre proche qui souffre. Je trouve que c’est un non-sens à bien des niveaux de penser ainsi. Les interactions entre vie professionnelle et vie personnelle, aujourd’hui, les entreprises voient bien que si ça ne va pas du côté personnel, ça a un impact sur la performance professionnelle. Donc oui, aujourd’hui, on le sait. Oui, aujourd’hui, on le voit, et vous avez maintenant des entreprises qui agissent sur ces sujets-là et qui accompagnent leurs salariés dans les difficultés personnelles aussi.
Laetitia Leonhardt : Et diriez-vous que ce sont plutôt les grandes structures qui s’engagent davantage, ou est-ce une tendance générale ? Est-ce qu’il y a vraiment une réelle prise en compte maintenant de cet impact ?
Magaly Siméon : Non, on n’en est pas encore là. Ce que je vois, c’est qu’il y a aujourd’hui une proportion encore marginale de dirigeants qui ont une certaine vision de ces sujets-là qu’on appellerait les early adopters. C’est-à-dire des gens qui, pour des raisons diverses et variées, pour des raisons de conviction personnelle, d’histoire personnelle, ou de pragmatisme, parce que c’est ce qu’attendent les salariés aujourd’hui, disent « ok, on y va, on investit sur ces sujets-là ». Ça reste encore une minorité.
Alors moi, je pense pour deux raisons. La première, c’est la maturité en France sur ces sujets-là, qui est inférieure à celle qu’on peut trouver dans un pays comme les États-Unis. Aux États-Unis, vous avez ce qu’on appelle les Employee Assistance Programs qui existent depuis 50 ans et qui sont vraiment là pour accompagner leurs salariés dans les difficultés de la vie personnelle. En France, je pense qu’on part du principe que le niveau déjà élevé de protection sociale qui existe couvre tout cela. Ce n’est pas complètement vrai, mais je pense que cela nourrit notre culture encore aujourd’hui. Et puis dans les entreprises où ça commence à bouger, on a encore un peu le problème où le dirigeant n’est pas contre, mais il n’y a pas de budget affecté. Donc c’est toujours compliqué de mettre en place des choses quand il n’y a pas de budget affecté.
Les moments clés dans la vie d’un individu
Magaly Siméon : Je pense que ça bouge. Ça bouge parce que les salariés disent qu’aujourd’hui ils attendent aussi de leur entreprise qu’elle agisse sur ces sujets, et que la marque employeur va aussi se nourrir de cela, clairement. Et vous, Laetitia, qui managez des équipes et avez interviewé beaucoup de monde, est-ce que le rythme de notre société moderne, où le temps est devenu une valeur presque monnayable, a un impact sur la santé mentale des individus ?
Laetitia Leonhardt : Tout à fait, je l’observe dans les niveaux de fatigue. Alors, il y a plusieurs choses. Effectivement, le rythme s’accélère, de plus en plus vite, j’ai envie de dire. Il y a à la fois une sursollicitation au travail. Avant, on avait peut-être des réunions, des emails, éventuellement des courriers. Maintenant, on a d’autres modes de communication qui se sont ajoutés, comme des chats, des WhatsApp, des choses comme ça, et ça multiplie les sollicitations en interne. Ça participe, je pense, à une certaine fatigue, le fait de voir à chaque fois ces boîtes de mails qui s’empilent.
Magaly Siméon : st-ce que c’est une question de génération aussi ? Maintenant, on a une nouvelle génération qui arrive, qui fonctionne différemment, très rivée sur son smartphone et sur ses réseaux sociaux.
Laetitia Leonhardt : En termes de temps d’attention, je dirais que ça devient compliqué. Déjà en réunion, même si on peut faire des choix, comme ne pas avoir de téléphone, on sent qu’il y a une certaine agitation, impatience sur ces modes d’attention et de concentration. C’est vraiment là-dessus que je ressens aussi le fait de s’éparpiller, à force d’avoir trop de leviers, trop de moyens de communication, et d’être moins dans l’interaction visuelle. Forcément, il y a eu aussi un effet des dernières années entre le confinement et l’ajustement avec le télétravail, qui était nouveau, pour trouver un nouveau mode de fonctionnement et permettre de recréer du lien. Chez certains, il y a aussi une démotivation. Comment recréer du lien, redonner envie d’être présent dans les bureaux et d’interagir ? Cela dépend des sociétés. Certaines ont travaillé là-dessus, mais en en parlant autour de moi, ce n’est pas le cas partout.
Comment faire revenir les gens au bureau ?
Magaly Siméon : C’est vrai que nous avons quand même besoin de cette interaction. Certains s’en sont tellement détachés qu’ils ont eu du mal à retrouver le groupe et les échanges. Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions menées ? Parce que je pense que vous touchez du doigt un sujet fondamental, à savoir qu’on ne peut pas faire revenir les gens au bureau sans leur donner envie. Qu’est-ce qui peut donner envie de revenir sur un lieu de travail ?
Laetitia Leonhardt : Déjà, les projets communs, des projets qui font qu’il y a un intérêt à travailler ensemble. Le côté professionnel est intéressant pour se retrouver et avancer sur des sujets transversaux qui nécessitent de se parler et de se voir. Et puis, il y a l’aspect ludique, particulièrement important, je le vois avec la nouvelle génération. Pour eux, la vie professionnelle et personnelle sont souvent entremêlées. Je fais une généralisation, mais c’est ce que nous observons. Le fait d’avoir des raisons de se retrouver hors les murs, parfois avec des workshops, où l’on travaille sur des projets communs et professionnels et en même temps sur des activités ludiques pour créer du lien ensemble de manière différente. Cela peut ne pas plaire à tout le monde, je l’entends, mais avec les nouvelles générations, c’est quelque chose de très demandé et cela contribue à recréer du lien, ce que j’ai pu observer directement, et redonner envie par la même occasion. Cela a bien fonctionné, et une synergie évidente est née.
Mais après, il y a des questions de personnalité. Il faut arriver, en tant que manager, à s’adapter aux personnalités de chacun et ajuster la manière dont on propose les projets. Il y a bien sûr une identité d’entreprise qui doit se faire en commun, tout en prenant en compte les individualités. Cela nécessite beaucoup de communication et de temps d’écoute. J’aimerais revenir sur le sujet de la prise en compte de la santé mentale par les employeurs. Vous observez des changements radicaux par rapport au passé dans la manière dont cela est pris en compte par les employeurs et les services RH ?
Prise en compte de ces sujets de santé mentale par les entreprises
Magaly Siméon : Alors, je pense qu’il y a globalement une prise de conscience un peu forcée qui vient de l’augmentation du nombre de burn-out ou de plaintes pour harcèlement. C’est-à-dire que moi, je dis, il faut toujours se souvenir qu’une entreprise est là pour faire du profit, en tout cas pour générer du chiffre d’affaires, des opérations saines financières, que ce soit une entreprise à but lucratif ou non lucratif. L’idée, c’est quand même que le chiffre d’affaires permette de couvrir les charges. Et c’est ça qui fait qu’une entreprise va vivre. Et donc, quand on touche à cet équilibre-là, c’est souvent qu’on obtient le plus vite une réaction de la structure.
Or, le sujet du burn-out et le sujet du harcèlement sont des sujets qui touchent le financier, puisque vous avez un certain nombre d’entreprises dans les dernières années qui ont été condamnées. Et ce sont des risques financiers non négligeables. Donc, je pense qu’aujourd’hui, les entreprises ne traitent plus ça du tout à la légère. Là où il y a une quinzaine d’années, on pouvait dire à un collaborateur qui se plaignait qu’on ne le traitait pas bien, qu’il devait s’endurcir, il y a des choses que j’ai entendues. Aujourd’hui, on fait attention parce que l’entreprise sait qu’elle peut être exposée. Donc oui, il y a une prise de conscience.
Après, moi, je trouve qu’on est encore beaucoup sur ce que j’appelle de la prévention secondaire. C’est-à-dire qu’on ne fait pas de prévention primaire. La prévention primaire, ce serait de faire en sorte que ça ne survienne pas. La prévention secondaire, c’est quand on détecte des situations et qu’on apporte du correctif, ce qui est déjà pas mal. On le voit avec un certain nombre d’expériences autour des EAP, des accompagnements psychologiques et des choses comme ça.
Je pense que le vrai boulot pour une entreprise, c’est d’identifier dans sa structure ce qui peut être générateur de détérioration de la santé mentale. Moi, je dis souvent qu’une entreprise, ce n’est pas une clinique. C’est-à-dire que si j’ai une affection mentale, ce n’est pas l’entreprise qui va la soigner. Ce n’est pas son job, ce n’est pas son rôle. Par contre, je pense que le minimum syndical dans une entreprise, c’est que je reparte le soir au moins aussi bien que je suis arrivé le matin.
Et donc, la responsabilité pour moi de l’entreprise sur la santé mentale, c’est de traquer, entre autres via tout ce qui va être les analyses de risques, qui sont aussi des obligations légales, tout ce qui peut être générateur de risques pour le bien-être. Et ça, je le vois encore assez peu. Et je pense que quand on aura le même niveau de maturité sur ces sujets-là qu’à l’époque où on a traqué les risques physiques, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, il n’y a plus une entreprise qui ne ferait pas le job de faire en sorte que ses salariés ne prennent pas de risques physiques. Eh bien, le jour où on arrivera à faire la même chose sur le bien-être, je pense que l’entreprise commencera à être vraiment contributrice. On n’en est pas encore là.
Question d’équilibre vie pro vie perso et gestion du stress
Magaly Siméon : Et vous, de votre côté, Laëtitia, dans votre podcast, comment est-ce que vous abordez cette question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et la gestion du stress que ça peut générer ?
Laetitia Leonhardt : Alors, j’aborde de différentes manières. J’aime beaucoup partager des témoignages de choix de vie qui peuvent être un peu différents, hors des sentiers battus, plus pour montrer que c’est possible de faire autrement. Parce que c’est vrai que je pense que nous sommes toute une génération à avoir été un peu dans une forme de tunnel. C’est comme ça que je le juge. Après, si on est bien dans ce tunnel, c’est très bien, mais je l’ai ressenti un peu comme ça. Moi, à l’époque, c’est pour ça que j’avais le besoin d’aller à l’étranger, voir autre chose, parce que j’avais l’impression que je devais absolument suivre une voie tracée, et ça me dérangeait un peu.
Alors maintenant, c’est vrai que les choses évoluent et que les parcours de vie ne sont plus linéaires. Je pense que ça a contribué aussi à une certaine forme de stress, de pression. Donc vraiment des partages de choix de vie déjà. Et puis aussi d’aborder le bien-être sous différentes formes, puisque effectivement il passe par l’esprit, par le corps. Donc pouvoir parler un peu de comment remettre du mouvement dans son quotidien, parce que nous sommes très sédentaires. Et parfois, quand on est pris par le stress de sa journée de travail, on oublie de se lever. On oublie d’aller boire un verre d’eau. On oublie des choses assez basiques. Et c’est vrai que parfois, ça paraît être une montagne quand ça fait longtemps qu’on n’y prête plus attention. Et ça peut recommencer déjà par là, sur ces petits moments, que ce soit même pendant sa pause déjeuner, de sortir au square du coin pour aller voir un peu de verdure, que ce soit prendre le temps de marcher quand on en a la possibilité. Voilà, tous ces moments qui vont permettre un peu de méditer avec soi-même, en quelque sorte de se recentrer.
Et puis justement, proposer aussi des découvertes de pratiques. Typiquement, j’avais aussi fait un épisode avec une hypnothérapeute qui avait proposé une séance comme ça, déjà de relaxation à distance, parce que c’est vrai qu’il y a maintenant des applications qui le font aussi, qui permettent d’avoir ce premier contact, notamment je pense à des applications comme Petit Bambou dont on me parle souvent, qui permettent déjà aux gens qui ressentent le besoin de se recentrer. Parce que c’est vrai qu’entre le trajet dans le métro, avec tout plein de monde autour, l’open space qui est assez bruyant, voilà, ça fait beaucoup de moments comme ça où finalement on peut se retrouver à subir un peu l’environnement. Et nous avons tous besoin, par moments, de calme, de silence, de se recentrer sur soi.
Donc c’est après, arriver à trouver l’activité qui va convenir pour chacun, pouvoir avoir ces quelques minutes au moins déjà par jour pour ce temps pour soi et pour prendre soin de soi. En fait, ça commence aussi déjà par là.
Magaly Siméon : Dans ce que vous dites, j’ai envie de rebondir ou d’aller un peu plus loin. C’est-à-dire que ce que vous êtes en train de nous dire, en tout cas ce que j’entends, c’est que pour beaucoup d’entre nous qui travaillent dans le secteur des services, on a des jobs sédentaires et intellectuels, c’est-à-dire qu’ils sont plutôt dans l’utilisation de notre cerveau et de nos capacités intellectuelles. Et en fait, notre santé mentale souffre du fait qu’on ne soit pas forcément raccordé à notre corps. C’est ça que vous nous dites ?
Laetitia Leonhardt : Tout à fait. C’est tout à fait ce que je dis. Ce que j’observe, c’est une forte déconnexion de la nature aussi, parce que dans des environnements souvent très citadins, très urbains, très bétonnés, et une déconnexion de notre propre corps. Puisqu’on peut se retrouver pendant des heures assis en réunion ou sur des écrans, et voilà, on est absorbé, pour plein de raisons, et on oublie finalement de bouger nos membres, de nous hydrater, de faire vraiment des choses basiques qui participent au bien-être aussi mental.
Magaly Siméon : Oui, parce que c’est vraiment un tout.
Laetitia Leonhardt : Je suis d’accord. Eh bien, je crois qu’on arrive à la fin de notre podcast. Moi, ce que j’aimerais bien, c’est si vous deviez donner une action qui vous semble clé en faveur de la santé mentale au travail, à nos auditrices et nos auditeurs, ce serait quoi ?
Magaly Siméon : Je pense qu’il y a un vrai travail de sensibilisation à faire encore en interne. Alors, si je le prends d’un point de vue professionnel, j’aurais envie de sensibiliser davantage les managers à cette question. Je pense qu’il y a encore un travail de communication à faire. Et à titre personnel, j’ai envie de dire que ne serait-ce que prendre 10 minutes par jour pour soi. Déjà demander à chacun de se poser la question : est-ce que vraiment là aujourd’hui, j’ai pu prendre 10 minutes pour moi ? Ça commencerait par là. Parfois, c’est aussi simple que ça.
Et si je devais…
Moi, je crois que je vais devenir une ardente combattante du présentisme à la française, car je pense que c’est la source de plein de maux. Si vous aviez envie, chères auditrices et chers auditeurs, d’essayer quelque chose, est-ce qu’on pourrait imaginer pendant quatre semaines que vous définissiez a priori l’heure de fin de votre journée de travail ? Vous dites pendant quatre semaines ma journée, elle se termine à telle heure et vous quittez l’entreprise ou vous vous déconnectez à l’heure que vous avez annoncée. Et vous faites un point au bout de quatre semaines pour voir comment vous vous sentez, voir si vous avez raté des choses, voir si jamais vous avez raté des choses, est-ce que c’est rattrapable, et voir si vous avez envie de continuer. Je crois que plus on sera nombreux à décider que nos journées ont une heure de fin, plus on contribuera à la santé mentale collective.
Magaly Siméon : Merci beaucoup d’avoir été avec nous aujourd’hui. Si cet épisode vous a plu… Non, mais cet épisode vous a forcément plu. Donc n’hésitez pas à nous laisser une note. Et si vous voulez en savoir plus, vous pouvez vous abonner directement depuis votre appli de podcast préférée pour suivre soit mon podcast Stop à la charge mentale, soit celui de Laëtitia. Et on sera ravies de vous retrouver dans nos espaces de podcast.
Laetitia Leonhardt : Tout à fait. Et vous pouvez bien sûr contacter directement Magaly sur le site « Lily facilite la vie » qui sera remis en description, je pense. Et vous pouvez me contacter également sur mon compte Instagram « Secret de Polichinelle », les liens seront dans la description.
Merci beaucoup et à bientôt.
Magaly Siméon : Au revoir. Merci Laëtitia. Merci Magali. Et si vous souhaitez me confier votre histoire sur le stress en entreprise, contactez-moi via notre site « Lily facilite la vie ».