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Introduction
Magaly Siméon : Bonjour Stéphanie.
Stéphanie Koné : Bonjour Magaly.
Magaly Siméon : Bienvenue dans le podcast ‘Stop à la charge mentale’. Stéphanie, pourriez-vous vous présenter à nos auditrices et auditeurs ?
Stéphanie Koné : Bonjour à tous. Alors moi, c’est Stéphanie Koné, j’ai 37 ans et je suis maman de trois enfants. J’ai commencé ma carrière dans le secteur social, principalement dans l’accompagnement et l’aide aux personnes. Il y a trois ans, j’ai décidé de me lancer à mon compte en tant qu’organisatrice. Auparavant, j’étais impliquée dans l’amélioration de l’habitat, la valorisation du cadre de vie et l’économie sociale et familiale. Après quelques expériences, j’ai ressenti le besoin de gérer mon emploi du temps, surtout en tant que mère de trois enfants. Face aux contraintes dans les secteurs sanitaire et social, j’ai décidé de me consacrer à l’organisation d’événements d’entreprise à partir de 2021. Il a fallu environ deux ans pour construire ma clientèle. Au début de 2023, confrontée au contexte socio-économique, j’ai décidé de reprendre un emploi à temps partiel tout en continuant mon activité indépendante, en tant que mère célibataire avec garde alternée. Cela m’a permis de jongler entre mes rôles de mère et d’entrepreneure. Voilà pour ma présentation résumée.
Comment la parentalité influence la carrière professionnelle ?
Magaly Siméon : Revenons maintenant sur le thème de la parentalité en solo et de la gestion des rôles entre salariée et indépendante. Est-ce plus facile de concilier ces rôles en tant que salariée ou en tant qu’entrepreneure ? Avant cela, comme nous en avons discuté, vous avez traversé un épisode de burn-out. Seriez-vous prête à nous en parler ? Pas nécessairement sur comment cela est arrivé, car c’est personnel et subjectif, mais quels ont été les premiers signes et comment cela s’est-il manifesté ?
Stéphanie Koné : Bien sûr. Dans les secteurs sanitaire et social, nous nous investissons beaucoup. Il est facile de se laisser submerger si on ne prend pas de recul et qu’on ne se protège pas, notamment à cause de la charge émotionnelle et du manque de moyens dans ces domaines. Pour ma part, les premiers signes ont été des crampes musculaires intenses, une prise de poids et une baisse morale. L’empathie a diminué, laissant place au doute et à la remise en question. Ces signes annonciateurs se sont intensifiés avec des situations complexes en entreprise.
Signes précurseurs du burn-out et stratégies pour surmonter
Magaly Siméon : Comment votre environnement professionnel a-t-il réagi ? Comment votre manager et vos collègues ont-ils géré cette période ?
Stéphanie Koné : L’écoute de la hiérarchie est cruciale pour gérer la charge de travail et favoriser une collaboration positive entre collègues. Bien que la charge de travail soit lourde, certains collègues bienveillants ont été un soutien précieux. Initialement, il y avait une forme de soutien de la part de la direction. Cependant, au fil du temps, les employés de terrain comme moi se sont sentis dévalorisés face aux changements organisationnels privilégiant le profit, malgré l’évolution dans le secteur social. Pour contextualiser, je travaillais dans l’intégration par le logement, anciennement des foyers. Créés en 1956 pour accueillir les travailleurs migrants, ces établissements ont évolué pour héberger des étudiants étrangers et des personnes en réinsertion, incluant celles en situation de précarité, avec troubles psychiques ou addictions.
Magaly Siméon : Bien que les contextes aient évolué, les résultats n’ont pas toujours été favorables. Comment avez-vous réussi à surmonter cet épisode de burn-out ? Quelles stratégies avez-vous mises en place ?
Stéphanie Koné : J’ai ressenti des signes de mal-être dès le début, mais j’ai eu du mal à m’écouter. Initialement, j’ai pris de courtes pauses, puis un arrêt plus long de huit mois suite à un incident au travail, aggravant la situation. Par la suite, j’ai démissionné pour des motifs légitimes et j’ai bénéficié d’une indemnisation complète pendant deux ans. Cela a été un tournant.
Employeurs : que faire en cas de burn-out d’un collaborateur ?
Magaly Siméon : De nombreux responsables RH qui écoutent ce podcast pourraient se demander ce que l’entreprise aurait pu faire pour vous. Qu’auriez-vous espéré ou souhaité de la part de l’organisation ? Comment les entreprises pourraient-elles soutenir ceux qui traversent des défis similaires ?
Stéphanie Koné : Avant tout, un intérêt sincère et une écoute profonde envers les employés sont essentiels. La mise en place de services de conciergerie d’entreprise pour alléger les charges des salariés, ainsi que des pratiques de réflexion professionnelle dans le secteur social, constituent une avancée, bien que non suffisantes, mais un bon point de départ. Elles pourraient également être bénéfiques dans d’autres secteurs d’activité. Réduire les heures de travail, travailler moins mais avec une meilleure qualité, suivre l’exemple des pays scandinaves qui accordent une attention particulière aux travailleurs, permettant ainsi une meilleure conciliation entre travail et vie personnelle. Personnellement, ce n’est pas juste une tendance, mais une réalité, bien que difficile à atteindre.
Magaly Siméon : Revenons à ce sujet car je suis d’accord avec vous, c’est un véritable défi. Lorsque vous avez ressenti les premiers signes de stress, avez-vous alerté votre employeur ? Avez-vous cherché de l’aide ?
Stéphanie Koné : Après ma première pause, j’ai discuté avec mon supérieur de l’époque pour réorganiser mon travail. Malheureusement, mon collègue a été licencié par la suite, me laissant seule dans le service. Malgré nos efforts pour réorganiser, la situation restait délicate. Après une longue absence, j’ai été mutée dans un autre service pour repartir sur de bonnes bases. Néanmoins, j’ai ressenti le besoin de changer de direction.
Trouver un juste équilibre entre les exigences professionnelles et les responsabilités familiales
Magaly Siméon : Vous avez certainement changé de cap. J’ai une question : étant maman solo de trois enfants, comme moi, pensez-vous que travailler à votre compte facilite la gestion des responsabilités parentales par rapport au salariat ?
Stéphanie Koné : La gestion du temps est effectivement plus facile. Je peux mieux gérer les rendez-vous médicaux et avoir plus de flexibilité dans mon emploi du temps. Financièrement, lancer une entreprise demande patience et du temps pour se faire connaître et construire une clientèle, ce qui peut être un défi. C’est pourquoi j’ai récemment repris un emploi à temps partiel pour soutenir mon activité indépendante, en espérant pouvoir me consacrer pleinement à cette entreprise à l’avenir.
Magaly Siméon : Voulez-vous dire que, en tant que mère, avoir la flexibilité de remplir nos obligations parentales à notre rythme n’est pas seulement un confort ? En outre, lorsque vous le faites en tant qu’indépendante, je suppose que vous restez productive et que vous atteignez vos objectifs. En d’autres termes, cette capacité à remplir vos obligations maternelles est un atout qui ne réduit pas votre productivité. Est-ce exact ?
Stéphanie Koné : En effet, je le dirais ainsi, car je gère mon propre emploi du temps. Ainsi, j’ai plus de flexibilité pour organiser les rendez-vous, ce qui n’est pas aussi facile en tant que salariée.
Magaly Siméon : J’entends déjà certains responsables RH dire que si tout le monde doit partir pour un rendez-vous médical quand cela leur convient, cela deviendrait ingérable. Qu’en pensez-vous ? Pourrait-on envisager une entreprise qui considère qu’en général, une mère salariée est suffisamment responsable et consciencieuse pour dire ‘Ce rendez-vous chez le médecin est vraiment nécessaire’ ou ‘Cette réunion avec le professeur est cruciale’, sans que cela n’affecte ma productivité quotidienne ? Pensez-vous qu’en tant que salarié, nous avons cette capacité ?
Stéphanie Koné : Cette capacité existe, en fonction de la hiérarchie et de la disponibilité des RTT (recupération du temps de travail). Ainsi, en planifiant à l’avance, nous pouvons anticiper les besoins. Cependant, par exemple, lorsque l’enfant tombe malade et qu’il y a une réunion de travail importante, mais personne n’est disponible pour prendre le relais, la situation devient plus compliquée. Néanmoins, avec les RTT et la récupération du temps, et en anticipant les besoins, cela reste gérable. Cela demande de l’organisation.
Magaly Siméon : Parlons d’une journée que toutes les mères ont vécue. Vous pourriez dire que les pères aussi, mais nous savons qu’aujourd’hui, c’est moins vrai pour les pères et davantage pour ceux d’entre nous qui avons des obligations au bureau. Nous avons un enfant qui a de la fièvre et nous devons nous en occuper. Que se passe-t-il dans votre corps et dans votre esprit ces jours-là ? Comment le gérez-vous, et comment le vivez-vous ?
Stéphanie Koné : Initialement, c’est un peu chaotique, surtout en tant que mère célibataire, s’il n’y a personne sur qui compter en soutien. C’est une question d’adaptation. J’essaie de contacter mon employeur pour voir si je peux prendre des RTT ou récupérer des heures ou même prendre un congé payé, mais ce n’est pas toujours simple. Il y a ensuite ce sentiment de culpabilité de ne pas être présente et de ne pas pouvoir remplir mes obligations professionnelles, mais en même temps, il y a cette responsabilité parentale. C’est donc un équilibre entre les deux. C’est une période de stress et de tension, suivie d’efforts pour rattraper le retard, ce qui n’est pas toujours facile.
Magaly Siméon : Je peux entendre le stress dans votre voix juste en en parlant. Diriez-vous que ces moments, cet équilibre entre la culpabilité professionnelle et la responsabilité parentale, sont les plus difficiles à gérer avec le temps ?
Stéphanie Koné : Oui, ce sont des moments difficiles à gérer car on se sent pris entre deux feux, déchiré entre les obligations. C’est là qu’on se rend compte que trouver un équilibre entre travail et vie personnelle n’est pas toujours évident. C’est aussi là qu’on se rend compte que les entreprises ne sont pas toujours aussi compréhensives qu’on le souhaiterait, surtout face à de telles situations.
Magaly Siméon : Avez-vous des anecdotes ou des conseils pour nos auditeurs qui rencontrent des défis similaires ?
Stéphanie Koné : Je dirais, essayez de lâcher prise sur la culpabilité et le stress, même si ce n’est pas toujours facile. Cherchez des solutions alternatives, que ce soit la garde d’enfants ou la négociation avec votre employeur. Ne pas hésiter non plus à demander de l’aide à la famille, aux amis ou aux collègues. Parfois, on essaie de tout gérer seul, mais apprendre à déléguer et accepter de l’aide est crucial.
Magaly Siméon : Merci Stéphanie d’avoir partagé votre expérience et vos précieux conseils. Et merci à nos auditeurs de nous avoir rejoints dans cet épisode de ‘Stop à la charge mentale’. Nous espérons que vous avez trouvé des éclairages pour mieux équilibrer votre vie professionnelle et personnelle. À bientôt pour le prochain épisode.