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Introduction
Magaly Siméon : Elle n’aime pas l’expression « bon courage ». Moi non plus, ça nous fait déjà un premier point commun. Le second point commun, c’est cette conviction que nous devons passer d’une relation transactionnelle à une relation émotionnelle entre le salarié et l’entreprise. Ça fait partie des attentes. C’est la force du relationnel. Et c’est ce que Mariana va nous expliquer très bien dans cet épisode. Bonne écoute.
Bonjour Mariana. Avec ce délicieux accent, est-ce que tu peux nous dire qui tu es et d’où tu viens ?
Mariana Machado : Oui, avec plaisir. Je suis Mariana, je suis brésilienne. Ça fait neuf ans que je suis à Paris. Je suis venue ici après une opportunité de travail. J’étais dans le marketing. Toute ma carrière était dans le marketing jusqu’au moment où je me suis rendu compte que ce qui me passionne le plus, ce sont mes collègues. Voilà, j’ai changé de carrière et je suis restée à Paris. Je n’ai jamais quitté Paris, j’ai changé beaucoup de carrière, mais pas de ville.
La transition nécessaire d’une relation transactionnelle à une relation émotionnelle
Magaly Siméon : Et alors, aujourd’hui, tu fais des RH après avoir fait longtemps du marketing. On parle de plus en plus de marque employeur. Est-ce qu’aujourd’hui, on pourrait dire que pour les DRH, le salarié est devenu un client comme les autres ?
Mariana Machado : Oui, je crois vraiment. Je ne sais même pas si c’est un client ou un partenaire. Ok, en tant que client, il y a ce côté responsabilité vers les paiements et les valeurs. Je pense qu’on dépasse le transactionnel. Quand on pense aux partenaires, il y a cette émotion et ce respect entre les deux. Ce n’est pas un manque de respect avec les clients, mais c’est moins transactionnel et plus relationnel. Tout le monde gagne quelque chose dans cette complicité des relations.
Magaly Siméon : Mais c’est intéressant ce que tu dis. Avant, on était très transactionnel, c’est-à-dire je travaille, tu me payes. Est-ce que tu es en train de dire qu’aujourd’hui, avec les nouvelles attentes des salariés, la transaction ne suffit plus ? Les salariés ont besoin de qualité relationnelle et de reconnaissance.
Mariana Machado : Oui, je pense qu’il y a une transition pour nous tous. On peut toujours dire que c’est après le COVID, mais je pense qu’on a de plus en plus tendance à réfléchir à ce qu’on veut vraiment faire de notre vie, alors qu’avant, on ne se posait même pas la question. Aujourd’hui, plusieurs choses ressortent de cette réflexion. Avant, c’était toujours : je travaille pour ce salaire, si je veux plus de salaire, je travaille plus. Aujourd’hui, on voit que ce n’est pas seulement le salaire qui compte. On veut gagner, oui, mais on veut aussi une qualité de vie, être épanouis, se développer. Il y a plusieurs choses qui entrent en jeu.
Donc, oui, pour répondre à ta question, je pense que les salariés ne sont plus dans une relation transactionnelle avec l’entreprise. Ils demandent plus, et c’est une belle opportunité pour tout le monde.
Les nouvelles attentes des salariés qui modifient le rôle des RH
Magaly Siméon : Et en tant que RH, comment cela fait-il évoluer votre métier ?
Mariana Machado : Les rôles de RH ont beaucoup évolué. Si on regarde les RH d’il y a cinq ou dix ans, ils étaient beaucoup plus axés sur l’administratif. Aujourd’hui, avec cette transition, les RH deviennent plus humains et relationnels. On passe du temps à écouter, à comprendre les besoins des collaborateurs, à parler des sentiments, des émotions, du futur. Ce n’est plus tout à fait le même métier. La preuve en est que de plus en plus de personnes venant de différents métiers travaillent dans les RH, apportant ainsi une diversité de compétences au-delà de l’administratif.
Magaly Siméon : Donc, en fait, ce que tu dis, c’est qu’on est vraiment passé de directeur du personnel qui faisait la paye et les contrats à une fonction d’animation des ressources humaines.
Les différences culturelles dans le monde du travail
On pourrait presque vous appeler Chief Staff Officer, comme dans les entreprises anglo-saxonnes. Et si tu compares avec ce que tu vois au Brésil, la tendance est-elle la même ?
Mariana Machado : La culture est différente. Au Brésil, nous sommes plus proches les uns des autres, plus informels. Cela facilite les relations humaines. Ici en France, il y a une séparation stricte entre vie personnelle et vie professionnelle, ce qui peut être un obstacle. Mais en termes de politique de bien-être, la France est plus avancée. Au Brésil, il est plus facile de licencier quelqu’un, ce qui crée un stress supplémentaire pour les employés. En France, on a tout intérêt à travailler l’engagement des collaborateurs pour éviter d’avoir des employés non engagés et peu performants.
Magaly Siméon : Donc, selon toi, la sécurité de l’emploi en France oblige l’employeur à investir dans l’engagement des salariés. Et penses-tu que cette relation plus ouverte au Brésil, où les équipes peuvent se parler plus facilement, est meilleure pour le bien-être ?
Mariana Machado : Pouvoir exprimer ses sentiments aide à gérer le stress, surtout si l’interlocuteur sait comment traiter ces informations. Mais la sécurité de l’emploi aide aussi beaucoup. Au Brésil, il y a plus de stress lié à la peur de perdre son emploi. En France, les gens peuvent être moins enclins à aller au-delà de leur rôle parce qu’ils savent que leur place est assurée, ce qui peut nuire à la performance.
Magaly Siméon : Est-ce que ce stress au Brésil conduit à plus de burnout ?
Mariana Machado : Personnellement, je ne pense pas. Au Brésil, notre éducation est plus large et nous permet de nous spécialiser plus tard, ce qui rend les transitions de carrière plus fluides. En France, on décide très tôt de notre orientation professionnelle, ce qui peut créer du stress si on souhaite changer de voie plus tard. Les reconversions sont moins courantes et plus compliquées.
Magaly Siméon : Et la phrase « bon courage » en France, pourquoi t’a-t-elle surpris ?
Mariana Machado : Ça montre jusqu’à quel point en France, la relation avec le travail est compliquée. On accepte de ne pas être 100 % heureux au travail comme si c’était normal. Pour moi, le travail peut être une source de bonheur, et cette expression me semble indiquer une résignation à être malheureux.
L’évolution nécessaire des pratiques RH
Magaly Siméon : Comment les RH du futur peuvent-ils aider les salariés à ouvrir leurs horizons et à voir au-delà de leur rôle actuel ?
Mariana Machado : Les RH du futur doivent comprendre que l’engagement va au-delà du salaire. Il faut adopter une vision individualisée et collective, et pas seulement appliquer des processus standardisés. On doit répondre aux besoins des collaborateurs de manière personnalisée. Par exemple, offrir des programmes de développement pour ceux qui veulent progresser, de la flexibilité pour ceux qui en ont besoin, et des opportunités d’engagement social pour d’autres. Cette approche plus holistique et individualisée nécessite de sortir de notre zone de confort et d’apprendre à gérer des situations nouvelles.
Magaly Siméon : Merci beaucoup, Mariana, pour cette conversation éclairante.
Mariana Machado : Merci à toi.