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Introduction
Magaly Siméon : Bonjour Sandrine.
Sandrine Cléré : Bonjour Magali.
Magaly Siméon : Sandrine, est-ce que vous pourriez vous présenter pour nos auditrices et nos auditeurs ?
Sandrine Cléré : Oui, bien sûr. Bonjour à tous. Je m’appelle Sandrine Cléré. J’ai plus de 20 ans d’expérience en tant que généraliste RH. Mon dernier poste était celui de DRH dans une medtech, une startup du secteur médical. Parallèlement, je viens de terminer un master exécutif en ressources humaines à Sciences Po.
L’impact de la crise sanitaire sur le stress au travail
Magaly Siméon : Votre parcours a été marqué par les sujets de gestion et de prévention du stress. Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet, même avant qu’il ne devienne une tendance ?
Sandrine Cléré : Tous les professionnels RH sont concernés par la gestion du stress. Ce problème a pris de l’ampleur depuis la crise économique, et même avant. Aujourd’hui, c’est une préoccupation incontournable dans le domaine des RH, avec des conséquences potentielles sur la santé mentale, la motivation et l’engagement des collaborateurs. C’est notre rôle, en tant que professionnels RH, de traiter ce sujet.
Magaly Siméon : Avez-vous observé une différence avant et après la crise sanitaire ?
Sandrine Cléré : Oui, les chiffres sont parlants. Aujourd’hui, on observe trois fois plus de stress qu’avant la pandémie, selon une étude d’OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine. Actuellement, 41 % des salariés se disent en détresse psychologique et 34 % en burnout. Les femmes, les jeunes, les télétravailleurs et les managers sont particulièrement touchés. La digitalisation des entreprises, accélérée par la crise et le télétravail en masse, a amplifié ce phénomène.
Magaly Siméon : On constate donc que la crise sanitaire a intensifié la distanciation et la digitalisation. Les outils permettent d’aller plus vite, mais à force de vouloir aller trop vite, on finit par fatiguer tout le monde. Est-ce bien cela ?
Sandrine Cléré : Oui, exactement. De nouveaux types de stress sont apparus, comme le bore-out (syndrome de l’ennui au travail) et le brown-out (perte de sens au travail). Dans tous les cas, il y a un risque important pour l’entreprise, que ce soit par des arrêts de travail ou des départs. Il est crucial de traiter ces problèmes rapidement.
La quête de sens au travail
Magaly Siméon : Vous avez identifié le travail sur la notion de sens au travail comme une solution. Pourquoi le sens au travail contribue-t-il au bien-être des salariés et à leur engagement ?
Sandrine Cléré : La quête de sens au travail est devenue essentielle. Elle concerne tous les actifs, pas seulement les jeunes générations. Le bien-être est une dimension du sens au travail, mais il y en a d’autres : la dimension cognitive, liée aux missions et à l’impact des actions, et la dimension aspirationnelle, liée au sentiment de contribution à un projet global. Si l’une de ces dimensions fonctionne mal, cela peut affecter la motivation, la performance et l’engagement des collaborateurs.
Magaly Siméon : Donc, en tant que salarié, j’ai besoin d’un environnement qui contribue à mon bien-être et de comprendre l’importance de mon travail. Sinon, je risque de perdre le sens de mes tâches et de ma mission globale. Est-ce bien cela ?
Sandrine Cléré : Oui, exactement. Travailler dans une entreprise dont l’activité a du sens est une bonne base, mais ce n’est pas suffisant. Chaque collaborateur doit trouver du sens et de la reconnaissance dans ses missions quotidiennes.
Les leviers pour promouvoir le bien-être au travail
Magaly Siméon : Et pour les entreprises dont la mission n’a pas un impact immédiatement positif, peut-on quand même trouver du bien-être au travail ?
Sandrine Cléré : Oui, car le sens est subjectif. Même sans un sens particulier lié à l’écologie ou au social, on peut trouver du sens dans sa mission grâce à d’autres leviers. Il est important que chacun trouve du sens dans ce qu’il fait quotidiennement.
Magaly Siméon : Vous qui avez un parcours RH, quel rôle joue la fonction RH dans la création de sens au travail ?
Sandrine Cléré : La fonction RH n’est pas la seule à jouer un rôle, mais elle est essentielle. Elle agit sur plusieurs leviers : conditions de travail, sécurité, culture d’entreprise, démarche de co-construction, communication sur la stratégie, management collaboratif, et flexibilité du temps de travail. Par exemple, des initiatives comme le shadow comex ou la semaine de quatre jours peuvent favoriser le bien-être et l’engagement.
Magaly Siméon : Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la semaine de quatre jours et la semaine en quatre jours ?
Sandrine Cléré : La semaine de quatre jours signifie travailler quatre jours par semaine, avec une journée de moins. La semaine en quatre jours signifie condenser une semaine de cinq jours sur quatre jours. Les deux options sont explorées par les entreprises.
Magaly Siméon : Un RH m’a parlé de personnalisation contractualisée pour les salariés ayant des moments de vie particuliers, comme les jeunes parents. Pensez-vous que cela puisse renforcer le sens et la loyauté des salariés ?
Sandrine Cléré : Oui, la personnalisation des conditions de travail est importante. Cela peut inclure des congés pour proches aidants, des mesures pour les jeunes parents, et des objectifs bien définis pour chaque poste. Cela renforce le sens et la reconnaissance dans le travail quotidien.
Magaly Siméon : Vous avez mentionné l’importance du feedback. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?
Sandrine Cléré : Le feedback, même s’il remet en question, doit être constructif et bienveillant. Un feedback mal fait peut devenir toxique pour la confiance en soi du salarié. Il est essentiel pour l’entreprise d’avoir une culture de feedback positive pour aider les collaborateurs à progresser.
Le rôle des managers dans la gestion du stress
Magaly Siméon : Vous avez également parlé de l’importance des managers. Comment les former pour qu’ils jouent leur rôle efficacement ?
Sandrine Cléré : Les managers, en particulier ceux de proximité, sont des relais essentiels pour l’équipe RH. Ils doivent être formés sur les risques psychosociaux, la gestion de la santé mentale, et à détecter les signes de stress. Le co-développement entre managers est une pratique efficace pour partager des solutions et des bonnes pratiques.
Magaly Siméon : Pouvez-vous nous rappeler comment fonctionne le co-développement ?
Sandrine Cléré : Le co-développement réunit un groupe de managers, idéalement entre huit et douze. Ils choisissent une problématique à traiter collectivement et repartent avec des solutions concrètes. Cela joue sur l’intelligence collective et permet d’apporter des réponses pratiques à des problèmes réels.
Magaly Siméon : Finalement, le rôle du manager aujourd’hui est de produire de la performance tout en prenant soin de ses équipes, n’est-ce pas ?
Sandrine Cléré : Oui, le rôle du manager est plus complexe aujourd’hui. Ils doivent être formés et accompagnés pour pouvoir encourager, faire progresser et prendre soin de leurs équipes, tout en maintenant des attentes de performance.
Magaly Siméon : Sandrine, merci beaucoup. C’était vraiment intéressant.
Sandrine Cléré : Merci Magali. Merci à vous.