Diversité en entreprise : pourquoi ne suffit-elle pas sans inclusion ?

Dans cet épisode de Capital Humain, Magaly Siméon reçoit Jean-Michel Monnot, fondateur et dirigeant de All Inclusive! et expert reconnu en diversité et inclusion.

Ensemble, ils explorent les défis concrets que rencontrent les entreprises sur ces sujets.

Pourquoi la simple intention de diversité ne suffit-elle pas ? Pourquoi l’inclusion est-elle le véritable levier de performance ?

Jean-Michel partage des insights percutants sur les résistances rencontrées, le rôle essentiel des dirigeants et l’importance d’impliquer tout le monde, y compris les hommes.

À travers des exemples inspirants et des stratégies éprouvées, cet échange vous donnera des clés pour faire de la diversité et de l’inclusion un moteur de réussite et d’engagement dans votre organisation.

Un épisode essentiel pour celles et ceux qui veulent faire bouger les lignes !

Jean-Michel Monnot - All Inclusive!

De quoi parlons-nous dans cet épisode ?

La diversité et l’inclusion sont souvent évoquées dans les entreprises, mais comment passer de la théorie à l’action ? Jean-Michel Monnot partage son parcours et son expertise sur ce sujet essentiel. Il insiste sur le fait que diversité et inclusion ne peuvent être dissociées : sans inclusion, la diversité peut être un facteur de chaos. Il explique aussi comment mesurer l’inclusion et surmonter les résistances en entreprise, notamment en engageant les hommes dans la démarche. À travers des exemples concrets, cet épisode met en lumière pourquoi et comment intégrer ces enjeux pour une meilleure performance et un bien-être accru des collaborateurs.

Thèmes abordés : 

  • Diversité vs inclusion : pourquoi les deux sont indispensables
  • Les résistances en entreprise : où ça bloque et pourquoi ?
  • Comment mesurer l’inclusion et aller au-delà des chiffres ?
  • L’implication des hommes dans ces enjeux : où en est-on ?
  • Exemples concrets de transformations réussies

Ressources que nous vous proposons : 

À propos de ce podcast

💡 Vous avez du mal à attirer et garder les meilleurs talents ? Vous vous demandez comment motiver vos équipes au quotidien ?

« Capital Humain » est le podcast qui vous aide à trouver des réponses.

Je suis Magaly Siméon et je partage ici, mes plus de 20 ans d’expérience en entreprise et en coaching. Chaque semaine, je vous propose des conseils concrets et des histoires inspirantes pour vous aider à transformer le potentiel de vos collaborateurs en un véritable levier de succès.

Que vous soyez manager, dirigeant, professionnel RH ou salarié en quête de réponses, ce podcast est votre rendez-vous hebdomadaire pour des solutions pratiques et une inspiration revigorante.

« Capital Humain » – Un podcast de Lily facilite la vie, imaginé et incarné par Magaly Siméon.

Vous n’avez pas le temps d’écouter l’épisode ? Lisez-le

Magaly : Aujourd’hui, dans cet épisode de Capital Humain, je reçois Jean-Michel Monnot. Jean-Michel Monnot est précurseur et une figure de proue dans le monde de la diversité. Après plus de 20 années passées dans un grand groupe français à travailler sur ces sujets, il a créé sa propre structure autour de la diversité et de l’inclusion, et vous allez comprendre pourquoi les deux mots sont importants. Il est aussi membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et il est très actif dans le monde associatif autour des diversités. Si je vous dis que le contraire de « issu de la diversité », expression très connue et très utilisée, c’est « issu du moule ». Et si je vous dis que se sentir inclus, c’est se sentir autorisé. Vous allez avoir les deux éléments fondamentaux de cet épisode. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Jean-Michel.

Jean-Michel Monnot : Bonjour Magaly.

Magaly : Jean-Michel, est-ce que vous voulez bien nous dire pourquoi l’inclusion c’est important pour vous, et la diversité ?

Jean-Michel Monnot : Déjà à titre personnel, c’est un vieux sentiment. Sur la justice et l’injustice, c’est le côté rebelle. C’est-à-dire que je ne comprends absolument pas comment on peut traiter les gens différemment en fonction de critères qui m’apparaissent comme un peu obscurs. Ça, c’est perso, ça ne suffit pas pour en faire un boulot. Je me suis aussi aperçu que c’était pour une entreprise quelque chose d’indispensable et d’utile, même s’il faut faire beaucoup de boulot pour convaincre les gens de consacrer du temps, éventuellement un peu d’argent, sur le sujet. Mais ça part déjà d’un côté du sentiment de justice hyper important pour moi.

Magaly : Oui, souvent j’entends ça dans ce podcast, des invités qui ont un engagement fort et qui partent d’un sentiment d’injustice qui est parfois très personnel. Alors, diversité et inclusion, c’est ce dont on va parler aujourd’hui. Moi, j’aime bien me faire l’avocat du diable. Donc, on voit plein de jolies publicités dans les annonces, normalement maintenant, d’offres d’emploi. C’est des choses qui sont relativement codifiées. Mais au bout du bout, pourquoi est-ce qu’une entreprise doit s’en préoccuper ? Pourquoi elle doit faire des choses ? Et pourquoi finalement, être sur la déclaration d’intention, ça ne suffirait pas sur ces sujets-là ?

Jean-Michel Monnot : J’adorerais que la déclaration d’intention suffise parce que ça voudrait dire qu’il y a des résultats derrière. Et il faut être clair, c’est qu’aujourd’hui, personne ne peut prétendre sérieusement être parfait ou être même très bon sur ces sujets-là. Et probablement que ça part de votre question qui est de dire pourquoi on fait ça. Est-ce que c’est juste parce qu’il faut « tick the box » comme on dit en anglais ? Et si c’est seulement ça, il se passe ce que certaines entreprises américaines font actuellement dans la foulée de ce nouveau président étrange, à savoir que comme ce n’était pas super important pour eux, ils arrêtent tout. Ça leur permet d’économiser quelques budgets. Heureusement, il y a quand même pas mal d’autres entreprises qui considèrent que c’est vachement important, que c’est même indispensable pour elles, pour plein de raisons. La première raison en général est ce qui motive les dirigeants. Dans mon expérience, je travaille beaucoup avec des comités de direction, la première chose, c’est la question des valeurs. Avant d’imaginer que c’est une question de rentabilité, de performance au sens large, c’est d’abord une question de valeur. Toutes les boîtes aujourd’hui ont travaillé sur des valeurs et je n’ai jamais vu une boîte qui dise chez nous, dans nos valeurs, on aime bien discriminer, on aime bien éliminer les faibles. Tout le monde affiche des valeurs fortes, il faut qu’on puisse mettre du contenu derrière. Ça, c’est le premier point. Si on dit qu’on a des valeurs, il faut qu’on puisse le prouver par rapport à l’extérieur, mais par rapport à soi-même dans la glace et par rapport à ses salariés, par rapport à ses parties prenantes en général. Puis après, il y a plein quand même de bonnes raisons qui sont assez objectives. Une raison essentielle qui est de dire qu’on est dans un monde de diversité et que si on veut pouvoir comprendre ces diversités-là, c’est pas mal de la refléter, c’est pas mal de se former soi-même pour pouvoir proposer les services ou les produits qui correspondent. Ça s’appelle du marketing, ça. Il y a aussi le fait qu’une entreprise ne fonctionne qu’avec les femmes et les hommes qui la composent et qu’on est aujourd’hui encore plus qu’il y a quelques années sur la recherche des talents. Toutes les entreprises avec qui je travaille disent que c’est compliqué d’aller chercher les bons talents. Et c’est d’autant plus compliqué si on va chercher toujours les mêmes profils, si on ne fait pas un pas de côté et si on n’est pas capable d’aller avoir des gens qui ont des expériences, des profils, des cerveaux différents. Donc ça, c’est quand même probablement la raison ultime, c’est de dire qu’on a besoin de femmes et d’hommes pour travailler et des gens de talent. Après, on peut avoir toutes les raisons autour de la créativité, de l’innovation sur lesquelles on pourrait passer du temps aussi.

Magaly : Si on devait définir diversité dans une entreprise, vous, vous la définissez comment ?

Jean-Michel Monnot : Ça, c’est une bonne question parce que c’est vrai que c’est un des manques que je vois souvent. Diversité est souvent vue comme les minorités, ceux qui ne sont pas comme nous. ceux qui nous enquiquinent un peu. Alors, dans les minorités, on met quoi ? On met les femmes. Ça fait toujours plaisir aux femmes d’entendre ça.

Magaly : C’est une grosse minorité.

Jean-Michel Monnot : C’est une grosse minorité à 51%. Ce sont les personnes en situation de handicap, des gens qui ont une couleur de peau différente, etc. Et j’entends souvent, à ce sujet-là, d’ailleurs, il y a cette expression en français qui est « il y a des gens issus de la diversité ». Je ne sais pas si vous avez déjà entendu ça. Ça, ça m’hérisse le poil parce que si on n’est pas issus de la diversité, on est issus de quoi ? du moule de la norme, ça ne veut rien dire. Et ça amène des raisonnements un peu stupides du genre, un de mes clients, une grande boîte internationale, une super boîte vraiment, qui de bonne foi s’est dit « Tiens, dans notre comité de direction, on n’est quand même pas super divers. Donc, on va se donner un objectif dans 5 ans, mettons aujourd’hui, donc 2030, on voudrait avoir 50% de diversité dans notre comité de direction. » Alors là, j’ai ouvert des grands yeux, j’ai dit « Mais ça veut dire quoi ? 50% donc de femmes, de personnes d’origine étrangères, de gays, de personnes en situation de handicap ? ça ne veut rien dire ». Parce qu’on a une vision de la diversité qui est super limitative, alors que la diversité, c’est le fait que chacun, chacune d’entre nous, c’est une combinaison unique de plein de facettes, des choses qu’on voit, des choses qu’on ne voit pas, et ça, ça nous rend uniques, et c’est des points communs et des différences. Mais le fait que vous, Magaly, vous êtes une femme, moi je suis un homme, ça dit quoi de nos manières de penser, de nos manières d’agir ? C’est une partie, mais on ne peut pas limiter ça à ça. Tout le monde est divers et c’est le point essentiel sur lequel il faut partir parce que sinon, les stratégies de diversité sont souvent perçues comme étant dirigées vers une minorité. Et donc du coup, qu’est-ce que j’ai à y voir moi si je suis par exemple un homme blanc, hétérosexuel, d’une famille classique, je ne suis pas concerné. La grosse erreur qui est très souvent encore là aujourd’hui, même en 2025. Alors ça, on pourrait passer des heures à savoir qui est plus divers que les autres. Ce qui est sûr, c’est que mettre une femme dans un Comex parce que c’est une femme, c’est une mauvaise raison. Mais comme c’est une mauvaise raison de dire qu’il n’y a que des hommes. Et je pense que c’est un point essentiel, que c’est un des gros freins qu’on entend aujourd’hui. Puisqu’on est sur la question du genre, ça fait des années qu’on entend parler de la gender fatigue. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu ça, la gender fatigue, c’est ce moment où les hommes disent « c’est foutu pour nous, il n’y en a plus que pour les femmes, c’est elles qui vont être recrutées, c’est elles qui vont être promues, et donc pour nous c’est mort ». Et puis de l’autre côté, il y a les femmes qui disent « mais moi je ne veux pas être promue ou recrutée parce que je suis une femme, mais simplement parce que j’ai les compétences, qui est quand même la moindre des choses ». Donc si on ne limite le regard qu’on a sur quelqu’un, que ce soit professionnel ou pas, que sur une dimension, c’est forcément faux et donc on n’amènera pas de diversité si on fait juste une espèce de quota qui consisterait à dire je vais prendre une femme, alors en plus une femme sur 10 ou 15 personnes, ça ne porte pas, mais en tout cas c’est absolument contraire à l’idée même de la diversité qui est de dire on est dans une combinaison complexe. Mettre une femme sous prétexte qu’elle a un autre genre, mais en effet elle n’apporte rien, ça ne résout rien. Il faut regarder les gens comme des combinaisons super complexes et surtout uniques. Et c’est important d’aller au-delà de cette idée, parce que le côté « vous nous imposez des quotas », ça va être un frein sur lequel il faut lever les choses assez vite, sortir d’ailleurs de l’idée de diversité assez vite.

Magaly : Alors, est-ce que vous croisez parfois des instances dirigeantes ou de votre point de vue, la diversité est bonne ? Et si oui, quelle est-elle ?

Jean-Michel Monnot : Alors ça, je suis incapable de juger de la diversité. C’est pour ça qu’il faut d’ailleurs ne jamais parler de diversité seule. Juger de la diversité, ça voudrait dire qu’on a des éléments qui permettent de classer toutes les dimensions visibles et invisibles. Comment voulez-vous qu’on puisse avoir un regard pour avoir une idée des parcours, de la culture ? Est-ce que la personne est introvertie, extravertie ? Quelles sont ses valeurs ? Quelles sont ses opinions, ses croyances ? C’est juste impossible. Mais c’est quand même une question importante parce que ce que demandent les entreprises, c’est comment est-ce que je me situe ? Comment est-ce que je me situe pour me permettre de dire où est-ce que je veux aller ? Donc, est-ce que je peux mesurer la diversité ? C’est une chose. Mais moi je rajoute tout de suite la chose la plus importante, c’est est-ce que je peux mesurer l’inclusion ? Ça ne sert à rien de mesurer de la diversité seule si on ne mesure pas l’inclusion. D’autant plus que sur la diversité, on est limité par les possibilités. En France, ce qu’on peut mesurer de manière chiffrée, c’est par exemple la représentation des femmes et des hommes aux différents niveaux de l’entreprise, éventuellement l’égalité des salaires et autres. On peut mesurer le taux d’emploi des personnes en situation de handicap, on peut avoir une idée sur les générations. Mais c’est tout. Aux États-Unis, ils vont mesurer l’appartenance ethnique. En Angleterre, éventuellement aussi un peu. Nous, c’est interdit. Chaque pays a une vision différente. Mais ce qui compte le plus pour moi, c’est vraiment comment on mesure l’inclusion. C’est-à-dire, qu’est-ce que pensent les salariés ? Puisque l’inclusion, c’est une perception. La diversité, c’est un fait, c’est une réalité scientifique. Il n’y a pas de clone. Donc, on est tous différents, avec tel ou tel critère, mais l’inclusion, c’est vraiment une perception qui est super personnelle et qui est d’ailleurs un bon équilibre entre deux choses qui sont le sentiment d’être unique et le sentiment de faire partie d’un ensemble. Si je ne suis que dans l’unicité, je peux être exclu parce que je suis vraiment trop différent. Si je ne suis que dans l’appartenance, je peux tomber dans l’assimilation, rejoindre le troupeau. Se sentir inclus, c’est pouvoir être soi-même tout en faisant partie d’un ensemble. Et c’est la perception la plus importante et la plus riche, et c’est ce qu’il faut qu’on vise. C’est ce qui permet aux salariés de se sentir en sécurité, physique ou psychologique. On parle beaucoup de santé mentale en ce moment, à juste titre. Est-ce que je peux me sentir en bonne santé mentale professionnellement si je ne me sens pas inclus, c’est-à-dire respecté pour ce que je suis ? Donc c’est là-dessus qu’on peut agir et qu’il faut agir. Et c’est là-dessus qu’on peut mettre des indicateurs aussi qui sont riches, ce que font très bien par exemple les enquêtes d’engagement, dans lesquelles on peut avoir des composantes autour de l’inclusion. En posant des questions, je peux être moi-même, quel que soit mon genre, mon orientation sexuelle, etc. Mon manager de proximité me donne l’espace, etc. C’est pour moi le graal du sujet. Diversité sans inclusion, c’est chaud. On a coché la case, mais sauf que c’est un des grands mythes du sujet. Il y a cette phrase que vous avez probablement entendue, enfin cette équation qui circule beaucoup, qui est la diversité est égale à la performance. Et si c’était comme ça, ça se saurait, il suffirait de dire, dans un comité de direction, je vais m’arranger pour qu’il y ait 50-50 hommes-femmes, qu’il y ait X% de telle ou telle catégorie. Mais si on ne crée pas une culture d’entreprise qui permette à tout le monde toutes ces différences de vivre, la diversité seule, ça peut être le chaos, ça peut être la bagarre permanente. Donc dire la diversité est égale à la performance, c’est faux. Par contre, dire diversité plus inclusion égale performance, oui. Parce que ça, ça veut dire qu’on a la compréhension, qu’on prend le temps, qu’on met les moyens pour permettre à chacun, à chacune de reprendre un slogan connu, pour venir comme on est, « Venez comme vous êtes ». C’est ça être inclusif. Je peux venir comme je suis, évidemment dans un contexte légal par exemple, qui soit partagé. Si je vous dis, moi j’adore tuer les autres, vous allez me dire, je sais pas, moi c’est peut-être pas très très bien. Mais en tout cas, diversité sans inclusion, ça peut être chaotique.

Magaly : Mais alors, dans votre job, et pour vos clients, vous faites de la diversité, vous faites de l’inclusion, vous faites les deux, et comment vous faites ?

Jean-Michel Monnot : Les deux, mon capitaine. C’est-à-dire que l’un ne va pas sans l’autre. S’il n’y a pas de diversité, il n’y a rien à inclure. Et s’il n’y a pas d’inclusion, la diversité, comme je viens de le dire, peut être vraiment chaotique. Donc, il faut arriver à faire bouger les deux en même temps. Et c’est compliqué parce que le sujet est hyper vaste. Puisque la diversité n’est pas le sujet d’une minorité, c’est le sujet de tout le monde. Sachant quand même que dans ce tout le monde, on voit bien qu’il y a des écarts sur des thématiques connues, comme par exemple, évidemment, la question femmes-hommes. Et la première qui est adressée dans les entreprises, à juste titre, parce qu’il y a des écarts qui sont colossaux en termes d’accès aux responsabilités, en termes d’égalité de salaire. Et donc, on doit absolument corriger ça. Et en plus… Quand on se met en route de manière positive, qu’on a des résultats sur la question du genre, ça induit derrière un tas de choses, parce que ce qu’on fait bien sur une dimension est duplicable sur d’autres dimensions. Donc ça veut dire qu’il faut faire bouger les deux. Les entreprises, par exemple, qui se diraient « Tiens, j’ai seulement 20% de femmes cadres dans mon entreprise. Par un coup de baguette magique, j’augmente, je recrute et je promeus du jour au lendemain X femmes et j’arrive à avoir 30-40%.» Ça ne suffit pas. Si je ne fais que ça, au bout d’un an, vous aurez une déperdition qui sera énorme parce que on n’aura pas touché à la culture de l’entreprise, on n’aura pas créé les conditions pour que ces nouvelles managers ou nouvelles leaders puissent s’épanouir. Et donc, on aura perdu du temps et de l’argent et on aura dit, vous voyez, ça ne marche pas la diversité. Donc, ça veut dire que c’est super complexe et ça veut dire aussi il va falloir prendre du temps pour le faire. Et donc les quotas sont utiles, mais ils ne suffisent pas.

Magaly : Et alors, comment vous faites derrière pour accompagner vos clients vers l’inclusion ?

Jean-Michel Monnot : Déjà, il faudrait expliquer de quoi on parle. Je ne sais pas si vous avez déjà fait des sondages autour de vous, demandez qu’est-ce que c’est l’inclusion dans le monde du travail. En 2025, c’est toujours un grand silence qui vient quand je pose la question. Et de bonne foi. C’est-à-dire que les gens ne sont pas stupides, c’est juste que tout le monde utilise ce mot d’inclusif. On parle de finance inclusive, de leadership inclusif. Super, sauf qu’on ne définit pas ce que c’est. Donc, il faut expliquer, vraiment prendre le temps d’expliquer aux gens de quoi on parle. Et c’est toujours comme ça que je commence, que je travaille avec des comités de direction, avec des managers. La première chose, c’est de dire de quoi on parle. De quoi on parle quand on parle de diversité, de quoi on parle quand on parle d’inclusion. Et de le faire de manière compréhensible, simple, pour se dire, ok, les deux fonctionnent ensemble. Quand on a ça, on a déjà franchi un pas, ça c’est de quoi on parle. Ensuite, il faut se dire, pourquoi est-ce qu’on en parle ? Qu’est-ce que ça vient faire là dans le monde du travail ? Après tout, ça pourrait être juste un sujet de société. C’est MeToo, c’est tous les combats pour les droits sociaux et autres, ça pourrait être que ça. Mais il faut arriver à faire ce travail pour l’entreprise, pour dire en quoi ce sujet-là me concerne, en quoi il est lié avec ma stratégie. Ma stratégie business, et pas seulement, mais ma stratégie de RSE, de dire je veux montrer une bonne figure positive, mais je fais le lien avec ce qui est ma stratégie. Si je suis une banque, en quoi est-ce que ce sujet va contribuer à développer un business qui soit intelligent, profitable et qui me donne une image qui soit positive ? Ça, c’est super utile. Après, il faudra se dire mais qu’est-ce qui fait qu’on n’y est pas encore ? Et là, c’est un côté introspectif qui prend du temps, c’est de dire probablement qu’il y a des choses qui sont du côté des organisations, des cultures d’entreprise, mais il y a aussi beaucoup de choses qui sont liées à ce que nous sommes en tant qu’individus. Et là, la nécessité est de pouvoir comprendre et accepter qu’on a des stéréotypes et qu’on a des biais et qui vont nous influencer dans nos décisions. Ce n’est pas parce qu’on est des imbéciles, c’est juste parce qu’on est hyper sollicités tout le temps. J’aime beaucoup citer Daniel Kahneman qui a écrit un livre qui s’appelle « Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée » qui dit que tous les jours, chacun d’entre nous prend 35 000 décisions. Comment imaginer que sur ces 35 000 décisions, on puisse faire ça en réfléchissant, en faisant une réunion ? On fait beaucoup de choses en mode automatique. C’est très utile d’avoir des stéréotypes et des biais parce qu’ils nous permettent de prendre toutes ces décisions, mais simplement, de temps en temps, ils nous font buguer. Tant qu’on ne le sait pas, il n’y a aucune raison qu’on bouge. Il y a ce mouvement dans lequel il faut inclure tout le monde qui est de dire, « Ouais, j’ai des stéréotypes, j’ai des biais, ça influence mes décisions. » Et je peux améliorer mes décisions, être en lien avec mes valeurs, si j’ai conscience de ça et si je mets en place des stratégies pour atténuer l’impact de mes biais. Je ne peux pas les tuer, les biais, mais je peux les contrôler un peu, surtout quand j’influence les autres.

Magaly : J’entends le sujet des stéréotypes et des biais, qui sont des choses dont il faut prendre conscience et ce n’est pas toujours facile. Est-ce qu’au-delà de ça, vous considérez qu’il y a des résistances à vos actions en matière d’inclusion ? Est-ce qu’il y a des moments où ça coince et pourquoi est-ce que ça coince ?

Jean-Michel Monnot : Ça coince beaucoup quand il y a une incompréhension. Il y a une minorité de personnes qui peuvent être profondément sexistes, racistes, homophobes. Ça, je ne m’en occupe pas. Au début, je m’étais dit que, un peu comme Don Quichotte, j’irais à l’assaut de ces gens-là. Mais en fait, je pense qu’il ne faut pas se concentrer là-dessus. L’immense majorité des gens qui ne sont pas en mouvement le sont parce qu’ils ne savent pas pourquoi on en parle, qu’est-ce que ça vient faire dans ma vie professionnelle. J’ai l’habitude de dire que vous avez 10 % d’avocats de ces sujets-là, 10 % d’opposants, les fameux racistes, sexistes, homophobes. Les chiffres, c’est vraiment pour illustrer. Et puis 80% de gens qui sont au milieu, qui ne savent pas quoi faire ou pas comment, qui veulent bien, si on leur explique, si on prend le temps. Donc, il faut vraiment prendre le temps de ne pas culpabiliser, mais d’engager et de responsabiliser. C’est important de ne pas culpabiliser ceux qui ne sont pas coupables de quoi que ce soit. Sauf les gens qui sont des harceleurs, des violeurs, des personnes violentes, évidemment. Mais en dehors de ça, l’immense majorité d’entre nous ne sait pas, ne sait pas de quoi on parle exactement et surtout, c’est encore moins comment agir là-dessus. Donc, il faut pouvoir accompagner, il faut pouvoir expliquer, il faut pouvoir partager, il faut pouvoir donner la parole. C’est vertueux et ce n’est pas un budget supplémentaire. Être inclusif, ça ne peut pas plus dire que d’être excluant.

Magaly : Voire même, ça ferait gagner de l’argent.

Jean-Michel Monnot : Oui, bien sûr. C’est une conviction.

Magaly : C’est meilleur pour la co-construction. Jean-Michel, il y a quand même une question que je me pose. Et les hommes dans tout ça, ils sont où ? et ils ont envie de quoi ?

Jean-Michel Monnot : Ah, c’est une grande question. C’est-à-dire, où sont les hommes sur les sujets de diversité et inclusion ? Je cherche encore, Magaly, je cherche encore. Ça fait une vingtaine d’années que je travaille sur ces sujets-là, et je dois dire qu’ils sont une minorité. Alors, il y a deux manières de voir ça. Ça peut être de se dire, les hommes, ils n’en ont rien à faire. Ils n’en ont rien à faire, ça ne les intéresse pas. Ou bien, on peut se dire, il y a peut-être un truc quand même qui est… Ils n’ont pas bien compris simplement parce qu’ils sont du bon côté du mur et que par définition, je ne sais pas ce que les autres vivent. Moi qui suis né dans une famille classique avec pas de richesse mais pas de pauvreté, je ne sais pas ce que vivent des gens qui sont dans des conditions bien différentes. Donc les hommes ne sont pas engagés parce qu’ils n’y voient bien souvent qu’un risque ou bien… éventuellement aussi le fait de se dire ok, je comprends par exemple sur le sujet du genre que les femmes, il y a un souci, il faut qu’elles travaillent là-dessus, il faut qu’elles nous fassent des propositions, c’est à elles de le faire, et puis il va falloir qu’elles travaillent leur leadership, par exemple, leur assertivité, parce que c’est bien connu que les femmes aiment moins le pouvoir… Je plaisante, bien évidemment.

Magaly : C’est bien ce qu’il me semblait.

Jean-Michel Monnot : On est bien souvent là-dessus. Donc il faut pouvoir accompagner la prise de conscience, et je pense que si on le fait de manière intelligente, on a des bonnes surprises. Moi qui travaille beaucoup sur cette question de l’engagement des hommes avec mon partenaire américain Catalyst, je peux vous dire que quand on prend le temps de faire découvrir aux hommes et aux femmes les deux côtés de la table, ça donne des résultats qui sont concrets, parce que personne ne peut accepter de manière convaincue les inégalités, les injustices. Donc il y a un travail spécifique à faire pour les hommes parce qu’on ne pourra pas faire avancer ce sujet sur le genre mais sur les diversités en général avec seulement 50% du monde. Donc il faut que tout le monde soit dedans et il y a un travail spécifique à faire pour engager les hommes. On a bien compris qu’il fallait faire un travail spécifique pour augmenter la place des femmes dans la prise de décision dans les entreprises ou même dans le monde politique. On n’a encore pas compris qu’il faut faire un travail spécifique pour les hommes, pour qu’ils jouent leur rôle. Et qu’aujourd’hui, on ne peut plus dire clairement qu’on ne sait pas. C’est un travail vraiment sur lequel il faut s’engager. Et je trouve qu’il y a très peu d’hommes qui le font aujourd’hui. A mon grand désespoir, et j’espère bien faire passer le message, j’espère que dans vos auditeurs, il y aura des hommes qui auront la volonté d’y aller.

Magaly : Et donc, ils peuvent vous contacter s’ils ont besoin de conseils ?

Jean-Michel Monnot : Bien sûr, de conseils ou de discussions, parce que je n’ai pas le savoir ultime là-dessus. Mais en tout cas, c’est un sujet sur lequel je travaille depuis longtemps. Il y a des ressources et on n’est jamais assez pour faire bouger le sujet. On parle de plus en plus de sororité pour faire bouger le sujet du genre et c’est très bien. Il faudrait qu’il y ait un peu plus de fraternité aussi entre les hommes pour arriver à ce mot que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps que ça, qui est l’adelphité, qui est en fait le fait de pouvoir travailler ensemble, femmes et hommes, quel que soit notre genre. Il y a vraiment un engagement particulier à initier auprès des hommes, pas en culpabilisant, encore une fois, en responsabilisant, en expliquant, et c’est assez fou. On découvre plein de choses quand on va là-dedans. Moi, je travaille depuis une vingtaine d’années sur ces sujets-là, je suis loin de comprendre tout. J’en découvre tout le temps. L’année dernière, j’ai passé une année, par exemple, à travailler avec deux clients sur le sujet des règles. On va dire que je ne suis pas un expert sur le sujet. Eh bien, ça aide à comprendre plein de choses.

Magaly : J’ai une dernière question pour vous, Jean-Michel. Est-ce que vous avez une histoire réussie à nous raconter d’une transformation où la diversité et l’inclusion, parce que maintenant, je suis bien compris qu’il ne fallait pas séparer les deux, ont joué un rôle ?

Jean-Michel Monnot : Il y a pas mal d’entreprises quand même qui pourraient être citées. Moi, j’en ai deux en tête. Je peux choisir déjà probablement Arkea, qui est la partie ouest du Crédit Mutuel, qui, en 2015-2016, avait une représentation femme-homme qui était vraiment très déséquilibrée. Ils ont lancé un projet d’entreprise. Il y avait en plus tout un contexte interne de Crédit Mutuel qui n’était pas simple à l’époque. Et Arkea s’est emparé du sujet en disant, on va commencer par le sujet de la mixité et on va se fixer des objectifs parce qu’aujourd’hui, on n’est pas bon. Ils se sont fixés un premier objectif de moyens qui était de dire, on veut former 100% des 10 000 à 12 000 collaborateurs du groupe dans les 5 ans. Donc, c’est ce qu’ils ont fait, on les a accompagnés pour ça, avec des formations, des ateliers de sensibilisation d’une journée, et on a formé des formateurs internes. Le résultat, parce que ça, ce n’est pas la seule chose, évidemment, ils ont fait beaucoup d’autres choses, mais c’est que dix ans après, c’est probablement une des seules banques en France qui soit dirigée par des femmes, et dont le taux de féminisation de l’encadrement est proche de ce qu’on appelle la mixité. La mixité, c’est entre 40 et 60 % de chaque genre. La parité, c’est 50-50, ça c’est une notion légale. Et ils sont là-dedans. Parce qu’ils ont engagé une transformation, une identité d’entreprise, un travail sur l’identité d’Arkea, qui est proche des territoires, et dans lequel la mixité joue un rôle essentiel. Et je pense que les succès commerciaux, les succès d’images d’Arkea, sont aussi liés à cette partie-là, puisque ça a été un énorme taux d’engagement pour les collaborateurs, ça ils le mesurent dans leurs enquêtes d’engagement internes. Et on le voit par les chiffres, ils communiquent sur la représentation femme-homme dans l’entreprise et ils ont des résultats qui sont très, très, très au-delà de ce qu’on trouve en général dans le secteur. Il y a d’autres entreprises qui ont eu quand même des évolutions stratégiques comme ça, que je connais bien puisque j’y ai passé 25 ans, qui est Sodexo, qui a considérablement renforcé son image d’entreprise, de service qui respecte ses salariés et ses clients par des actions de fond, par l’engagement d’une direction, qui font qu’aujourd’hui, ils sont perçus comme étant une entreprise leader sur ce sujet-là et que du coup, ça donne une sorte d’avantage concurrentiel. Alors, c’est important quand on veut gagner des appels d’offres. Il y a beaucoup aujourd’hui, on parle de clause sociale dans les appels d’offres publics, mais même dans les entreprises privées. Aujourd’hui, on vous demande de monter patte blanche et de dire qu’est-ce que vous pouvez prouver sur ces sujets-là. On pourrait en trouver d’autres, mais ça, c’est les deux entreprises françaises qui me paraissent assez intéressantes à mettre en avant.

Magaly : Merci beaucoup, Jean-Michel, de finir par ces exemples très inspirants, je trouve. Merci beaucoup.

Jean-Michel Monnot : Merci, Magaly.

Magaly : C’est la fin de cet épisode de Capital Humain. J’espère que Jean-Michel Monnot vous a convaincu que ça a plus que du sens, ça a de l’intérêt et de la pertinence de se pencher sur la diversité et l’inclusion dans votre entreprise. J’espère aussi que cet épisode aura donné envie à beaucoup d’hommes de prendre contact avec Jean-Michel Monnot parce que plus on sera nombreux à faire avancer cette diversité et plus on contribuera à un monde qui fonctionnera mieux, j’en suis convaincue. A bientôt pour un nouvel épisode de Capital Humain.

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